1835 : Charles-Louis Havas invente l'agence de presse
En 1835, Charles-Louis Havas (1783-1858) crée la toute première agence de presse généraliste et internationale, prédécesseur de l'AFP.
Négociant et spéculateur malheureux sous l'Empire et la Restauration, Havas se convertit au journalisme pour éponger des dettes contractées dans ses affaires.
Il fonde le 22 octobre 1835 à Paris « l'Agence des feuilles politiques, correspondance générale » qui prendra ensuite le nom d'agence Havas.
Ce polyglotte, dont la devise commerciale est « Rapidement renseigné, renseigne rapidement », est un précurseur dans le domaine de l'information, servant la presse française et les journaux étrangers avec des traductions d'articles.
Son bureau est établi dans un lieu stratégique, au 3 rue Jean-Jacques-Rousseau, « à deux pas de la grande poste centrale du Louvre, ce qui lui permet de récupérer rapidement la presse étrangère et son courrier, dans le quartier des journaux, des imprimeries, de la Bourse (...) et de la rue du Bouloi où se trouvent les Messageries générales, point de départ et d'arrivée des malles-postes qui sillonnent la France », écrit, dans son livre sur Havas et l'AFP « Le monde en direct », Xavier Baron, journaliste à l'AFP.
Assez rapidement, Havas réussit à bâtir un quasi-monopole de l'information sur le marché parisien grâce à la prise de contrôle d'agences concurrentes et à l'appui du gouvernement.
La critique de Balzac
En 1840, le romancier Honoré de Balzac critique la main-mise d'Havas sur l'information parisienne dans la Revue parisienne qu'il a fondée :
« Le public peut croire qu'il y a plusieurs journaux, mais il n'y a, en définitif, qu'un seul journal.
Il existe à Paris, rue Jean-Jacques-Rousseau, un bureau dirigé par M. Havas, ex-banquier, ex-copropriétaire de la Gazette de France, (...). M. Havas a vu beaucoup de gouvernements, il vénère le Fait et professe peu d'admiration pour les Principes; aussi a-t-il servi toutes les administrations avec un égale fidélité.
(...) Tous les journaux de Paris ont renoncé, par des motifs d'économie, à faire, pour leur compte, les dépenses auxquelles M. Havas se livre d'autant plus en grand qu'il a maintenant un monopole, et tous les journaux, dispensés de traduire comme autrefois les journaux étrangers et d'entretenir des agents, subventionnent M. Havas par une somme mensuelle pour recevoir de lui, à heure fixe, les nouvelles de l'étranger.
(...) Comprenez-vous maintenant la pauvre uniformité des nouvelles étrangères dans tous les journaux ? Chacun teint en blanc, en vert, en rouge ou en bleu la nouvelle que lui envoie M. Havas, le Maître-Jacques de la Presse. Sur ce point, il n'y a qu'un journal, fait par lui, et à la source duquel puisent tous les journaux. »
La critique de Balzac est acerbe. Elle a aussi valeur de compliment. « Balzac rend involontairement hommage à Havas en notant qu'il " vénère le fait " au détriment du commentaire et qu'il n'a pas de préférence marquée pour un gouvernement particulier. L'information factuelle et neutre étant la base d'un service d'agence, le grief exprimé par Balzac est une reconnaissance de la qualité du travail de Havas », souligne Xavier Baron.
La naissance du style agence
L'agence Havas apporte ce qu'aucun journal ne peut offrir seul : des informations arrivant rapidement d'un nombre croissant de pays. Pour la presse, cela revient de fait à un partage des frais au bénéfice des rédactions des journaux qui, assurés de recevoir une couverture complète de l'actualité grâce à leur abonnement à l'agence, peuvent consacrer leurs moyens au traitement des sujets qui les intéressent.
« Le style de la narration et le vocabulaire utilisés dans une dépêche d'agence naissent à cette époque et demeurent largement ceux du XXIe siècle », estime Xavier Baron.
« Sans contenir aucun commentaire, la dépêche contient un fait brut et doit répondre aux questions essentielles : qui ? quoi ? où ? quand ? comment ? L'information est datée et son origine géographique est mentionnée. En outre, la source de la dépêche est précisée afin que l'abonné puisse juger de sa valeur. Ce sont des éléments totalement nouveaux qui marquent définitivement le style d'agence », selon Xavier Baron.