Le premier vol d'un homme dans l'espace

 

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La capsule de Vostok-1, photographiée le 12 avril 1961, après sa chute dans la campagne russe - AFP
La capsule de Vostok-1, photographiée le 12 avril 1961, après sa chute dans la campagne russe - AFP

Par Florence DE MARIGNAN

Le 12 avril 1961, le cosmonaute soviétique Iouri Gagarine réalisait le premier vol humain dans l'espace. Lancé à bord d'un vaisseau « Vostok 1 », il effectuait une révolution autour de la Terre en 1 h 48 min, permettant à l'URSS de prendre une avance considérable sur son rival américain dans la conquête spatiale.

Depuis quelques jours, les rumeurs allaient bon train dans la capitale soviétique sur l'imminence d'un tel événement. L'annonce par l'agence Tass, en différé d'une heure, du lancement de Gagarine provoqua un enthousiasme considérable dans le monde entier.

Dans toute l'Union soviétique, le travail fut interrompu pour écouter la radio et, à Moscou, une foule de plus en plus dense envahit dans la matinée les rues et la place Rouge.

Les débuts de cette extraordinaire aventure remontent à la seconde moitié des années cinquante. Après plusieurs envois d'animaux à bord de fusées-sondes, le constructeur d'engins spatiaux soviétiques Sergueï Korolev songe déjà à des expériences similaires avec l'homme. Le succès du Spoutnik 1, en octobre 1957, l'aide à décider du type d'engin à bord duquel le premier cosmonaute effectuera son vol : un vaisseau satellisé qu'une fusée placera en orbite de la Terre.

Ce n'est qu'à l'été 1959 qu'une « directive » définit les critères de sélection des cosmonautes. Ils seront choisis parmi les pilotes de l'armée de l'Air pour effectuer « une mission spéciale ». Sur 3.000 candidats, 200 sont retenus, mais 20 seulement restent dans la course après les dures épreuves dans les centrifugeuses, chambres sourdes et autres « instruments de torture » pour cosmonautes.

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Le 12 avril 1961, Iouri Gagarine à bord de Vostok-1 sur le pas de tir de Baïkonour - AFP
Le 12 avril 1961, Iouri Gagarine à bord de Vostok-1 sur le pas de tir de Baïkonour - AFP

Les expériences se poursuivent, ponctuées de plusieurs échecs inquiétants. En mai 1960, le premier exemplaire du vaisseau Vostok ne parvient pas à redescendre vers la Terre, le suivant ne peut être satellisé en raison d'une défaillance de lanceur. En décembre, deux chiens périssent lors de la tentative de récupération de leur capsule.

Enfin en mars 1961, deux succès consécutifs avec des chiens, sont considérés comme suffisants pour donner le feu vert à la première mission humaine: Iouri Gagarine, 27 ans, et sa « doublure », Guerman Titov, 26 ans, sont désignés pour ce vol historique, les origines sociales modestes de Gagarine jouant en faveur de ce dernier.

Très tôt ce mercredi 12 avril, le jeune officier vêtu d'un scaphandre orange vif s'installe dans la cabine exiguë du Vostok. Dès lors, le contact avec le monde extérieur est maintenu seulement par radio. A 9 h 07, un éclair jaillit sous la fusée qui décolle d'un pas de tir secret situé dans la steppe du Kazakhstan. De ce même cosmodrome, baptisé Baïkonour, avait été lancé en orbite, quelques années plus tôt, le premier satellite artificiel Spoutnik

A 9 h 21, le Vostok est satellisé. Emerveillé, Gagarine observe à travers un hublot minuscule la Terre qu'il survole entre 181 et 327 km d'altitude. « Je contemple la Terre, ma visibilité est bonne, je vous reçois très bien », déclare-t-il. Il est 10 heures lorsque son vaisseau entre dans l'ombre de la Terre et entame un passage au-dessus des Etats-Unis plongés dans la nuit. En pleine Guerre froide, les responsables du Kremlin attendent ce moment pour annoncer au monde ce grand exploit technologique qui, à leurs yeux, est surtout une formidable arme de propagande.

Après cette première révolution autour de la Terre en 108 minutes, arrive le moment crucial de l'atterrissage. Les images officielles montrent Gagarine tombant dans les bras de ses collègues, passant sous silence les réelles péripéties de la manœuvre. En réalité, à 10 h 55, les premiers Terriens à accueillir l'homme tombé du ciel ne sont pas des foules en délire mais une paysanne avec sa fille qui se promènent dans la campagne près de Saratov, une ville sur la Volga à 700 km au sud-est de Moscou. Un avion militaire basé à proximité viendra ensuite le chercher.

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Le 12 avril 1961, Iouri Gagarine, déjà casqué et entouré de techniciens, s'apprête à pénétrer dans Vostok-1, à Baïkonour - AFP
Le 12 avril 1961, Iouri Gagarine, déjà casqué et entouré de techniciens, s'apprête à pénétrer dans Vostok-1, à Baïkonour - AFP

Jusqu'à la fin des années 1980, le monde a cru, photos à l'appui, que le héros était revenu sur terre dans sa capsule. En fait, Gagarine s'est éjecté, selon une procédure prévue, à 7.000 m du sol, finissant la descente en parachute tandis que son vaisseau s'écrasait sur le sol. Militaire discipliné, le colonel Gagarine accréditera la version officielle jusqu'à sa mort.

On apprendra également quelques années plus tard que la mission fut émaillée d'incidents : sas non-hermétique, communications radio coupées, retard dans la séparation des étages, difficultés pour actionner le système de catapultage...

Les Etats-Unis qui étaient, une fois de plus, battus dans la course à l'espace, sauront toutefois relever ce second défi lancé par l'URSS avec le programme Apollo. Leur premier astronaute fera un « saut de puce » de 15 minutes, le 5 mai suivant, mais il faudra attendre février 1962, pour qu'un Américain effectue le premier vol orbital autour de la Terre.

 

 

 

 

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Le vol de Gagarine - INA