Le procès des criminels nazis a fait jurisprudence
Par Bénédicte REY
En devenant le premier tribunal pénal international de l'histoire et en créant la notion de crime contre l'humanité, Nuremberg a posé la pierre fondatrice d'une justice universelle et de ce qui allait devenir 50 ans plus tard, la Cour pénale internationale.
L'idée de punir les criminels de guerre nazis est lancée dès 1941 par Churchill. Si certains sont partisans d'exécutions sommaires, le principe d'un procès public et international s'impose parmi les Alliés avant même la fin des hostilités.
Tout est à définir (les chefs d'accusation, la liste des accusés, la composition de la cour, la procédure), avec pour objectif affiché que le procès soit « équitable » et que son jugement serve de barrière aux guerres d'agression.
« La question n'est pas de savoir comment rendre la guerre impossible, mais comment une procédure, fondée sur le droit des gens, pèsera dans la balance pour préserver désormais la paix et pour permettre aux hommes et aux femmes de bonne volonté de vivre libres et sous la protection de la loi » , déclare le procureur Robert Jackson dans son discours inaugural.
Nuremberg, bientôt suivi par le procès des criminels de guerre japonais à Tokyo (1946-48), fait naître l'espoir d'une justice qui dépasserait les Etats.
En 1948, la Convention de l'ONU contre le génocide prévoit que ce crime puisse être sanctionné par une cour internationale.
Deux ans plus tard, la Commission du droit international de l'ONU formule les « principes de Nuremberg » , tirés du procès et de son jugement. Ils définissent les notions de crimes de guerre, crimes contre la paix et crimes contre l'humanité et affirment que leurs auteurs sont personnellement responsables de leurs actes.
Mais pendant des décennies, la guerre froide met un coup d'arrêt à l'avancement de ces principes.
Il faut attendre 1993 pour que des dirigeants soient à nouveau traduits devant la justice internationale, avec la création du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye.
Dans les années qui suivent quatre autres tribunaux internationaux « ad hoc » sont créés: le Tribunal pénal international pour le Rwanda (1994), le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (2002), qui aboutit à la première condamnation d'un ex-chef d'Etat le Libérien Charles Taylor, les Chambres extraordinaires au sein des Tribunaux cambodgiens (2006), qui donnent lieu à la condamnation des deux plus hauts dirigeants khmers rouges encore en vie, et le Tribunal spécial pour le Liban (2007), le premier habilité à juger un crime de « terrorisme » .
En germe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Cour pénale internationale (CPI) est finalement créée en 1998 par un traité international: le Statut de Rome. Après sa ratification par 60 Etats, le Statut de Rome entre en vigueur en 2002 et la Cour est inaugurée l'année suivante.
Installé à La Haye, c'est le premier tribunal permanent chargé de la répression des crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide.
Son premier accusé, le Congolais Thomas Lubanga, a été condamné en 2012 à 14 ans de prison pour l'enrôlement d'enfants soldats.
Cependant, la Cour ne peut pas juger de crimes commis avant sa création et son champ d'action n'est pas total.
Sa puissance ne s’exerce qu’à l’encontre des ressortissants d’Etats qui ont ratifié son traité ou de ceux qui commettent des crimes sur le territoire de ces derniers. A moins que le Conseil de sécurité des Nations unies ne décide de la saisir.
Sa compétence est reconnue par 124 pays, mais de grandes puissances n'ont pas signé ou ratifié le Statut de Rome, dont trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (Chine, Etats-Unis, Russie...).
La CPI a jusqu'à présent ouvert dix enquêtes dans neuf pays, dont huit en Afrique: Kenya, Côte d'Ivoire, Libye, Soudan, République Démocratique du Congo (RDC), Centrafrique (deux enquêtes), Ouganda, Mali et Georgie.
Cette concentration des cibles en Afrique lui a valu de nombreuses critiques, notamment celles de l'Union africaine (UA) qui y a vu une « sorte de chasse raciale » .
En 2016, l'Afrique du Sud et le Burundi ont ainsi annoncé vouloir se retirer de la CPI, un camouflet pour la Cour faisant craindre des défections en cascade.