Le procès de Tokyo : le « Nuremberg » japonais
Par Bénédicte REY
Le procès de Tokyo, au cours duquel ont été jugés les criminels de guerre japonais du 3 mai 1946 au 12 novembre 1948, est le versant asiatique de Nuremberg, qui a contribué comme lui à poser les jalons du droit pénal international, même s'il est plus controversé.
Décidé dans son principe dès la reddition du Japon le 2 septembre 1945, le procès de Tokyo vise à juger les hauts responsables civils et militaires du régime, accusés de crimes de guerre, crimes contre la paix et crimes contre l'humanité.
Le Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient est composé de onze juges issus des pays alliés: Etats-Unis, URSS, Royaume-Uni, France, Pays-Bas, Chine, Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, Inde et Philippines.
La liste des accusés comporte 28 noms, dont ceux de quatre Premiers ministres (parmi lesquels Hideki Tojo, en fonction de 1941 à 1944) trois ministres des Affaires étrangères, quatre ministres de la Guerre, deux ministres de la Marine, six généraux, deux ambassadeurs, trois hommes d'affaires ou trafiquants de drogue, un Garde des Sceaux, le théoricien radical Shumei Okawa, un amiral et un colonel.
L'acte d'accusation expose le déroulement des invasions japonaises et les atrocités commises dans les territoires occupés: massacre de Nankin (Chine) au cours duquel 200.000 personnes furent exécutées selon les chiffres du tribunal, marche de la mort de Bataan (Philippines, 6 à 23.500 morts selon les estimations), assassinats de civils à Manille, de Chinois à Singapour, trafic d'opium, mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerre...
Au terme de deux ans et demi de procès, 25 accusés sont déclarés coupables (deux sont morts dans l'intervalle et un a été interné pour troubles mentaux).
Sept d'entre eux (deux anciens Premier ministres, un ex-ministre de la Guerre et six généraux) sont condamnés à mort et exécutés le 23 décembre 1948, seize sont condamnés à la prison à perpétuité, un à vingt ans de prison et un à sept ans de prison.
Comme Nuremberg, le procès de Tokyo a levé le voile sur les atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale et a contribué à l'établissement d'une justice internationale, avec l'utilisation des notions nouvelles de crimes contre la paix et de crimes contre l'humanité.
Mais il est entaché de davantage de zones d'ombre que le procès des criminels nazis.
De nombreux hauts responsables japonais ont échappé aux poursuites, au premier rang desquels l'empereur Hiro-Hito. Les Etats-Unis, puissance occupante dont l'influence a fortement pesé sur le procès, craignaient de déstabiliser le pays.
Les expériences chimiques et biologiques menées par les troupes japonaises n'ont pas été examinées, tout comme la question des « femmes de réconfort » , prostituées de force.
En outre, la plupart des condamnés emprisonnés ont été libérés avant la fin de leur peine, certains reprenant même part à la vie politique japonaise.