USA-Japon : Quatre acteurs du drame d'Hiroshima

 

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L'empereur Hirohito au côté du général américain Douglas MacArthur en octobre 1945 aux Philippines - AFP
L'empereur Hirohito au côté du général américain Douglas MacArthur en octobre 1945 aux Philippines - AFP

Partisans ou opposés à l'arme atomique, jusqu'au-boutistes japonais ou favorables à la reddition du pays, de l'empereur du Japon aux plus hauts gradés américains, plusieurs grandes figures ont pesé - ou tenté sans succès d'influer -, sur la décision américaine de bombarder Hiroshima et Nagasaki.

Hirohito (1901-1989)

L'empereur du Japon fut un acteur majeur de la tragédie. Sur le trône depuis 1926, il cautionne la politique agressive et les exactions de l'armée impériale en Chine, puis l'alliance avec l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste. Après le bombardement d'Hiroshima, l'empereur continue d'ignorer la déclaration de Potsdam, par laquelle les Alliés ont exigé fin juillet 1945 la capitulation du Japon, car celle-ci ne dit rien de l'avenir du régime impérial. Ce n'est qu'après la déclaration de guerre de l'URSS au Japon et la destruction de Nagasaki qu'il se résout à l'accepter. Le 15 août, Hirohito s'adresse par radio à son peuple pour l'informer de la capitulation du Japon. La question de sa responsabilité personnelle dans les activités militaires de son pays et la conduite de la guerre reste centrale. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis qui exercent la tutelle sur le Japon l'exonèreront de toute responsabilité pour conserver le régime impérial et garantir la cohésion du pays. Le 1er janvier 1946, l'empereur renonce à sa nature de « divinité à forme humaine » et une nouvelle constitution le prive en 1947 de tout pouvoir politique. Il meurt en 1989 après 62 ans sur le trône, le règne le plus long de l'histoire du Japon.

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Henry Stimson, le secrétaire américain à la guerre (sur la droite de la photo), au côté du président Harry Truman et des généraux Dwight D. Eisenhower et George Patton, à Berlin, le 20 juillet 1945 - AFP
Henry Stimson, le secrétaire américain à la guerre (sur la droite de la photo), au côté du président Harry Truman et des généraux Dwight D. Eisenhower et George Patton, à Berlin, le 20 juillet 1945 - AFP

Henry Stimson (1867-1950)

Secrétaire américain à la Guerre de 1940 à 1945, il défend ardemment le projet de doter les Etats-Unis de l'arme atomique. « Nous comprenions tous, bien entendu, la responsabilité que comportait notre tentative de donner le jour à une arme aussi dévastatrice. Le président Roosevelt m'entretint souvent et spécialement de la conscience qu'il avait de la puissance catastrophique de notre travail. Mais le travail devait être accompli, puisque nous étions en guerre », écrira-t-il. Henry Stimson s'est en particulier battu pour obtenir les crédits de deux milliards d'euros nécessaires pour conduire le projet « Manhattan ». A la mort de Roosevelt, c'est lui qui informe Harry Truman de l'état des recherches et le convainc de l'importance d'une telle arme dans la confrontation qui s'annonce avec l'Union soviétique. A l'heure de désigner les cibles des bombardements nucléaires, il s'oppose en revanche à la destruction de Kyoto, où il était allé en voyage de noces trente ans plus tôt. Quand il annonce le bombardement d'Hiroshima à l'équipage du croiseur « Augusta » à bord duquel il se trouve, Harry Truman en attribue le succès à Henry Stimson qui, dit-il, fut « héroïque ».

Kantaro Suzuki (1868-1948)

Premier ministre du Japon depuis le 7 avril 1945, Kantaro Suzuki est favorable à la reddition de son pays, en raison de la situation militaire qu'il juge désespérée. Mais cet amiral de la flotte impériale, ancien attaché militaire en Allemagne, se heurte à la faction belliciste de l'armée, décidée à continuer la guerre coûte que coûte. Deux jours après la déclaration de Potsdam, il annonce le 28 juillet lors d'une conférence de presse que Tokyo a décidé d'« ignorer » (mokusatsu) cet ultimatum, sans doute parce que rien n'est dit sur le sort du régime impérial et de l'empereur. Malgré l’ambiguïté du terme utilisé - qui peut aussi se traduire par « nous ne ferons pas de commentaires » -, les Américains considèrent qu'il s'agit d'un refus de capituler et décident de bombarder Hiroshima. Après la destruction de Nagasaki, Kantaro Suzuki sera l'objet d'une tentative d'assassinat lors d'une ébauche de coup d'Etat militaire, quelques heures avant l'allocution au cours de laquelle l'empereur va annoncer la reddition du pays.

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Le général américain Dwight D. Eisenhower le 6 août 1944 - AFP
Le général américain Dwight D. Eisenhower le 6 août 1944 - AFP

Dwight Eisenhower (1890-1969)

Convaincu que le Japon était sur le point de capituler, le général Eisenhower, commandant en chef des forces alliées en Europe, s'oppose à l'usage de la bombe en juillet 1945, lorsque Henry Stimson l'informe de son usage imminent : « Je fus empli d'un sentiment de tristesse et fis part de mon profond désaccord », écrira-t-il. « Je pensais que notre pays devait éviter de heurter l'opinion mondiale en employant une arme dont l'utilisation n'était plus, d'après moi, indispensable pour épargner des vies américaines ». Le secrétaire américain à la Guerre ne tient pourtant aucun compte de ses remarques. Le futur président des Etats-Unis (1953-1961) exprimait pourtant le sentiment de quelques uns des officiers les plus gradés de l'armée américaine, dont l'amiral William Leahy, chef d'état-major particulier du président Truman. Quant au général Douglas MacArthur, qui commandait alors les forces américaines dans le Pacifique, s'il ne fut pas consulté avant le bombardement d'Hiroshima, il dira qu'il n'avait pas de justification militaire. Mais les arguments politiques et diplomatiques pour l'après-guerre et la confrontation avec l'Union soviétique qui s'annonce l'ont emporté sur l'analyse des militaires.

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Hirohito sur le tombeau de ses ancêtres leur annonce la défaite - INA

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