Hiroshima, 6 août 1945, le monde bascule dans l'ère nucléaire

 

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Photo prise en août 1945 de l'équipage au sol de l'Enola Gay, qui largua la bombe sur Hiroshima - AFP
Photo prise en août 1945 de l'équipage au sol de l'Enola Gay, qui largua la bombe sur Hiroshima - AFP

Par Dominique CHABROL

C'est une borne, un marqueur dans l'histoire de l'humanité. Le 6 août 1945 à 08 h 15 min, l'armée américaine faisait exploser la première bombe nucléaire sur Hiroshima, tuant 140.000 personnes jusque la fin 1945. Trois jours plus tard, un second engin rasait Nagasaki, entraînant la reddition du Japon et la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Voici le récit de quatre jours qui ont changé le cours de l'histoire.

6 août, 02 h 45 min : la superforteresse B-29 « Enola Gay » (un bombardier) décolle de la base américaine de Tinian, dans l'archipel des Mariannes. L'appareil transporte neuf hommes d'équipage et quatre scientifiques.

L'avion n'a embarqué qu'une seule bombe à l'uranium baptisée « Little boy », un engin de 4,5 tonnes qui sera armé en vol pour éviter que Tinian ne soit entièrement rasée si le B-29 en surpoids s'était écrasé au décollage. Trois autres appareils américains ont quitté l'île une heure auparavant pour observer la visibilité au-dessus des cibles potentielles.

Vers 08 h 00 min, celle-ci est parfaite au-dessus de la ville d'Hiroshima. Le commandant de bord, Paul Tibbets, donne l'ordre de larguer la bombe à 08 h 15 min. L'avion est à 9.000 mètres d'altitude. 51 secondes plus tard, « Little boy » explose à 600 mètres du sol.

« Lorsque la bombe eut été lâchée, nous savions que nous avions déchaîné l'enfer et, pendant la durée de la chute, j'ai manoeuvré pour éloigner l'appareil le plus possible du centre de l'explosion », racontera Paul Tibbets quelques jours plus tard.

Une énorme boule de feu illumine le ciel d'Hiroshima puis se transforme en quelques secondes en un épais nuage blanc qui s'élève à 15.000 mètres d'altitude.

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Photo prise le 06 août 1945 de l'explosion nucléaire sur Hiroshima, bombardée par l'armée américaine - AFP
Photo prise le 06 août 1945 de l'explosion nucléaire sur Hiroshima, bombardée par l'armée américaine - AFP

Au sol, les rescapés terrifiés parleront d'un violent éclair (« Pika ») ou d'un éclair suivi d'une explosion (« Pikadon »), selon l'endroit où ils se trouvaient au moment de la déflagration. « Le nuage gigantesque s'était élevé, grandiose, splendide, pour écraser tout Hiroshima sous sa colonne de flammes », témoignera Shuntaro Hira, un médecin de l'hôpital de la ville.

Des dizaines de milliers de victimes des radiations 


L'onde de choc a soufflé les bâtiments en ciment armé et pulvérisé les habitations traditionnelles. La chaleur dégagée par la bombe sera estimée à quelque 6.000 degrés et les habitants qui se trouvaient dans le centre ville ont été carbonisés par dizaines de milliers comme dans un gigantesque four.

Les tuiles des toits, les structures métalliques, ont fondu et les arbres se sont embrasés dans un rayon de plus de 3 km de l'épicentre. Partout des survivants hagards, épouvantablement brûlés, hurlent d'effroi avant de s'effondrer.

Hiroshima a été prise pour cible parce qu'elle abrite une base militaire et les quartiers généraux de plusieurs unités de l'armée japonaise. Le site avait été préservé des raids conventionnels de l'aviation américaine sur les métropoles japonaises, qui avaient fait environ 100.000 morts en mars à Tokyo. Si bien que la plupart des 300.000 habitants ont ignoré l'alerte déclenchée à 07 h 31 min, lorsque l'appareil américain chargé du contrôle météo a été détecté dans le ciel, et ils étaient sur le chemin de l'école, de l'usine ou de la caserne au moment de l'explosion.

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Deux survivants d'Hiroshima, le 10 août 1945, quatre jours après l'explosion - AFP
Deux survivants d'Hiroshima, le 10 août 1945, quatre jours après l'explosion - AFP

Dans les heures et les jours qui suivent, un grand nombre de ceux qui ont survécu à l'onde de choc mourront sous l'effet des radiations. Les victimes sont prises de violentes hémorragies, ruissellent de sueur et succombent.

Aux 140.000 personnes tuées sur le coup et jusque la fin 1945 s'ajoutent d'autres victimes qui succombent ultérieurement de causes liées à l'exposition aux irradiations.

A Washington, la Maison Blanche publie un message du président Truman : « Il y a 16 heures, un avion américain a largué une bombe sur Hiroshima. C'est une bombe atomique ». Harry Truman fixe un ultimatum aux Japonais : « S'ils n'acceptent pas nos conditions maintenant, ils peuvent s'attendre à une pluie de ruines qui tombera du ciel, une pluie comme on n'en a encore jamais vu sur notre terre ». Mais ni l'empereur ni le gouvernement du Japon ne répondent aux exigences américaines.

Trois jours plus tard, l'US Air force largue une seconde bombe, au plutonium, baptisée « Fat man », sur Nagasaki, faisant au moins 74.000 morts jusque fin 1945.

Tokyo finit par céder et l'empereur Hirohito s'adresse à son peuple le 15 août pour reconnaître la défaite du Japon. Deux semaines plus tard, l'acte de capitulation est signé le 2 septembre sur le cuirassé Missouri. La bombe atomique a précipité l'issue du conflit le plus meurtrier de l'histoire, mais la menace atomique pèse désormais sur le monde.

Soixante-dix ans plus tard, Hiroshima reconstruite reste la ville symbole de l'une des pires tragédies et le Japon réclame, sans grand espoir, l'élimination de toutes les armes atomiques dans le monde.

 

  1. La bombe atomique sur Hiroshima (Vidéo INA)
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