Bombarder Hiroshima : 70 ans de controverses
Harry Truman n'a pas hésité à donner l'ordre d'utiliser l'arme atomique. Mais l'état-major américain n'y était pas favorable et les vraies raisons du premier bombardement nucléaire de l'histoire font toujours débat. Fallait-il bombarder Hiroshima ?
Entre stratégie militaire et « diplomatie atomique », la destruction de la ville marque le début de 40 ans de confrontation entre les Etats-Unis et l'Union soviétique.
Pour le nouveau chef de la Maison Blanche, l'affaire est entendue. Informé fin avril 1945 de la puissance de la nouvelle arme mise au point dans les laboratoires américains, il ordonne qu'elle soit larguée sur le Japon après le succès du tir d'essai réalisé le 16 juillet dans le désert du Nouveau-Mexique.
La guerre dans le Pacifique est dans sa quatrième année. Les Américains y ont déjà perdu une centaine de milliers d'hommes, dont près de 20.000 entre mars et juin 1945 lors de la seule bataille d'Okinawa. Les soldats japonais ont surtout montré par leurs actions suicide qu'ils étaient déterminés à se faire tuer jusqu'au dernier plutôt que d'accepter de se rendre.
Pour Truman, l'utilisation de la bombe atomique précipitera la fin du conflit et épargnera la vie de 500.000 à un million de soldats américains supplémentaires, selon l'évaluation des stratèges de Washington. Elle stoppera aussi les atrocités japonaises contre les prisonniers de guerre et les populations civiles partout en Asie.
Un argument que récusent certains militaires américains, pour lequel l'utilisation de l'arme atomique n'a pas de justification militaire. Fin avril, le général Eisenhower, commandant en chef des forces alliées en Europe, a fait part de ses « profondes appréhensions » au secrétaire à la Guerre Henry Stimson. D'abord, parce qu'il considérait « que le Japon était déjà vaincu et qu'il était absolument inutile de lancer la bombe ». En second lieu, écrira-t-il, « je détestais voir notre pays être le premier à utiliser une telle arme ».
Autre argument des haut gradés américains, les bombardements conventionnels massifs sur les villes japonaises font des dégâts au moins aussi considérables que ce que l'on peut attendre de la bombe atomique. En février-mars, environ 100.000 personnes ont péri sous les bombes incendiaires américaines à Tokyo.
Imposer la puissance américaine
Au-delà des considérations militaires et morales - le bombardement massif de populations civiles -, les calculs diplomatiques ont pesé lourd sur le décision américaine. Dès son arrivée au pouvoir, Harry Truman a en effet durci le ton à l'égard de Staline, qui a profité de l'affaiblissement de Franklin Roosevelt dans les derniers mois de sa présidence pour étendre l'influence soviétique en Europe. Dès lors, la bombe atomique devient un instrument capital pour affirmer la puissance Américaine et freiner l'avancée soviétique.
Après le bombardement d'Hiroshima, et ses 140.000 victimes jusqu'à la fin 1945, Washington n'accordera aucune attention aux tentatives des dirigeants civils japonais partisans d'une capitulation, qui ne s'accrochaient alors qu'à une seule condition : que le régime impérial ne soit pas remis en cause. Trois jours plus tard, Nagasaki était bombardée à son tour, faisant 74.000 morts supplémentaires.
La lecture des journaux de l'époque suggère également que la vengeance n'était pas forcément absente de la décision américaine. « Ceci est notre réponse au refus méprisant opposé par le Japon à notre ultimatum », s'enflamme le New York Times au lendemain de l'explosion. Depuis l'attaque de Pearl Harbor, en décembre 1941, et la destruction d'une partie de la flotte américaine par l'aviation japonaise, sans déclaration de guerre préalable, le Japon est perçu aux Etats-Unis comme un ennemi fourbe, avec qui tout accord semble impossible.
Soixante-dix ans plus tard, les Etats-Unis n'ont jamais accepté de s'excuser pour les plus de 200.000 victimes, pour la plupart civiles, d'Hiroshima et Nagasaki.