Philippe Maurice, condamné à mort et réinséré
Philippe Maurice, 59 ans, docteur en histoire, souvent cité en exemple pour sa réinsertion, refuse désormais poliment d'évoquer sa peine capitale.
Condamné fin 1980, Philippe Maurice se voit déjà mort lorsque, six mois plus tard, l'élection de François Mitterrand le sauve in extremis. Les études, entreprises sans conviction en 1983 le ramèneront vers la civilisation après un long parcours qu'il appellera « de la haine à la vie » , selon le titre de son livre, paru en 2001.
A 20 ans, entraîné par son frère dans le monde des mauvais garçons, ce jeune homme aux cheveux frisés évolue entre vols de voitures, chèques volés, braquages, fausse monnaie et évasions. Maurice a décidé de vivre en « affranchi » et non en « cave qui prend sa musette pour aller à l'usine » .
Arrêté en 1977, condamné, évadé en 1979, il enchaîne les hold-up. De plus en plus grave, un vigile qui le surprend avec son ami Serge Attuil, lors du vol d'une voiture, est tué dans un parking du 15e arrondissement de Paris, en septembre 1979. Pour cela, Maurice sera condamné à 18 ans de réclusion en 1982.
Mais sa vie bascule vraiment le 7 décembre 1979 dans une impasse du 5e arrondissement. Une patrouille de police, à une heure du matin, a jugé suspects Maurice et Attuil, qui traînent en voiture dans la rue Monge. Refusant le contrôle, Attuil fonce, mais s'engage dans une impasse. Tous deux ouvrent leur portière, l'arme à la main. Attuil tue un policier, Maurice un autre. Attuil est abattu, le troisième policier est blessé. Maurice parvient à filer mais, identifié, il est arrêté le lendemain.
Bien que fils de policier, Philippe Maurice rentre en prison comme forte tête, révolté, maté dans les quartiers de haute sécurité (QHS). Il développe une théorie selon laquelle « la justice frappe sans compassion, sans égard, ces gosses des banlieues, tout en ménageant les grands bourgeois » . Mais à la veille de son procès, la presse évoque « l'ombre de la peine de mort » .
« La peine de mort fut donc prononcée » , écrira Maurice dans son livre, écartant toute idée de surprise. « J'étais déjà mort » , ajoute-t-il, qualifiant son procès de « vaste fumisterie » .
Loin d'être abattu, il vit dans une « haine inimaginable » et, « convaincu » qu'il sera exécuté, réfléchit à la manière dont, à l'aube de sa mort, il arrachera « le nez ou une oreille » à un magistrat.
Février 1981, Maurice tente une évasion avec l'arme remise discrètement par une jeune avocate. Mais son gardien est plus rapide que lui. Deux coups de feu n'atteignent personne et l'affaire lui vaudra 16 ans de réclusion supplémentaires, l'année suivante.
Et puis, tout change. En juin 1983, « pour conserver (son) équilibre mental » , Philippe Maurice se lance dans les études. Deux ans plus tard, il a un DEUG d'histoire. En 1988, il obtient sa maîtrise. En 1990 son DEA (diplôme d'études approfondies). Et en 1995, c'est la consécration. Le doctorat. Une thèse de plus de mille pages sur « la famille en Gévaudan au XVe siècle » , avec mention « très honorable » et les félicitations du jury.
Quatre ans encore derrière les barreaux et Philippe Maurice, rendu à la liberté, calmé, deviendra enseignant, chargé de recherche au CNRS, modèle de réinsertion. Il évoque désormais cette vie nouvelle pour éviter le sujet de sa peine de mort.
- Philippe Maurice raconte (vidéo INA)