Exécutés par erreur ?

 

Image
Le monument de Vingré (Aisne), dédié aux six soldats fusillés par erreur en 1914, réhabilités en 1921 - Francois Nascimbeni - AFP
Le monument de Vingré (Aisne), dédié aux six soldats fusillés par erreur en 1914, réhabilités en 1921. Francois Nascimbeni - AFP

Nul ne sait combien d'innocents ont été exécutés. Mais lorsqu'il est question d'erreur judiciaire, on cite Joseph Lesurques et Christian Ranucci. Cependant, qu'il s'agisse de « l'affaire du courrier de Lyon » en 1796 ou du « pull-over rouge » en 1974, jamais la justice n'a considéré qu'il y aurait eu erreur.

En 1921 en revanche, la Cour de cassation a réhabilité six fantassins condamnés en décembre 1914 pour s'être repliés devant l'ennemi, sans ordre, à Vingré (Aisne). Le caporal Floch, les soldats Gay, Pettelet, Quinault, Blanchard et Darantet, avaient été fusillés dès le lendemain, pour abandon de poste devant l'ennemi. Deux mois plus tôt, pour endiguer les désertions, le général Joffre, commandant en chef des armées françaises, avait obtenu la création des conseils de guerre spéciaux, sans instruction et sans recours.

Une enquête du ministère de la Guerre, en 1920, révélera que l'ordre de repli avait bien été donné. La Cour de cassation, en 1921, accordera une rente annuelle de 2.000 francs pour les veuves et de 1.000 francs pour les enfants.

En 1868, à l'inverse, la Cour de cassation a refusé de réhabiliter Joseph Lesurques, guillotiné pour l'attaque de la malle poste de Lyon, près de Melun, le 27 avril 1796.

Cinq bandits ont tué le courrier et le postillon puis raflé l'argent. Rapidement, Etienne Courriol, détenant un cinquième du butin, Lesurques et son ami Jean Guesnot sont arrêtés. Sept témoins désignent Lesurques comme le cavalier blond qui a perdu un éperon dans le crime. Quinze autres le dédouannent mais en août 1796, Courriol, Lesurques et David Bernard, accusé de recel, sont condamnés à mort.

Aussitôt, Courriol crie que Lesurques, Richard et Bernard sont innocents et cite ses complices : Guillaume Dubosq, Joseph Durochat, dit « Laborde », Pierre Pialat, dit « Vidal » ou « Lafleur » et Louis Béroldy, dit « Roussy ».

Lesurques demande grâce mais sans succès. C'est un « pacte de scélérats », pense-t-on. Courriol innocenterait des condamnés et accuserait des inconnus. Lesurques s'engagerait, en échange, à entretenir la famille Courriol.

Les trois condamnés sont exécutés.

Le juge d'instruction Daubenton reprend cependant l'enquête et, en 1797, arrête Durochat qui, avec force détails, cite les mêmes noms que Courriol. Lesurques, il ne connaît pas. Les témoins auraient donc pris Guesnot pour Vidal et Lesurques pour Dubosq.

Arrêtés un à un, tous sont condamnés à mort. Avec Lesurques et Courriol, c'est un de trop.

Mais en 1868, la Cour de cassation conclut que les condamnations de Lesurques et de son sosie Dubosq ne sont « ni contradictoires, ni inconciliables », même si un seul cavalier blond a été vu. Il n'y a pas lieu, dit-elle, de conclure à l'innocence de l'un ou de l'autre. Personne ne sait combien étaient les bandits et, sur sept témoins, six ont maintenu avoir vu Lesurques et non Dubosq.

En 1979, 1981 et 1991, c'est la révision de l'affaire Ranucci qui est rejetée. Le mystérieux « pull-over rouge » ne permet pas de classer Christian Ranucci, guillotiné à 22 ans le 28 juillet 1976, parmi les victimes de l'erreur judiciaire.

Image
Christian Ranucci le 6 juin 1974 à Marseille, trois jours après le meurtre de Maria-Dolorès, 8 ans - AFP
Christian Ranucci le 6 juin 1974 à Marseille, trois jours après le meurtre de Maria-Dolorès, 8 ans - AFP

Pour l'accusation, Ranucci a enlevé Maria-Dolores Rambla, 8 ans, le 3 juin 1974 à Marseille. Son corps a été découvert le surlendemain, à l'endroit même où l'on a vu Ranucci peu après le rapt.

Le petit frère de Maria-Dolorès, décrit un suspect correspondant au jeune chauffard qui, une heure plus tard, s'est enfui après un accident à 20 km de là, conduisant comme un fou. On l'a vu s'arrêter pour fuir à pied avec un gros paquet sous le bras. A proximité, dans l'après-midi, la voiture désormais cabossée de Ranucci, était embourbée dans une champignionnière.

Le surlendemain, au même endroit, on trouve un pull-over rouge et, non loin de là, le corps de l'enfant.

D'abord, Ranucci reconnaît l'accident mais personne ne reconnaît Ranucci. Puis, les témoignages vont évoluer. Ranucci qui niait va avouer et indiquer l'endroit précis où l'on retrouvera l'arme.

Six mois plus tard, l'instruction quasiment terminée, il se rétracte curieusement : « Au début, j'ai cru que ma culpabilité était possible. Aujourd'hui, je pense le contraire ».

Les partisans de son innocence diront que le pull-over rouge ne lui appartenait pas. Il était porté par un suspect, déjà repéré pour avoir importuné des enfants et qui, contrairement à Ranucci, ne portait pas de lunettes.

Mais pour les juges, il n'y a pas de « doute » sérieux.

Video file
Gilles Perrault soutient l'innocence de Ranucci - INA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Video file
L'affaire Ranucci, les faits - INA