De célèbres bourreaux
Par Olivier RICHOU
Trois générations de Deibler, six générations de Sanson ont produit les plus célèbres bourreaux de France. Les Deibler (1822-1939) restés célèbres pour avoir été les derniers à guillotiner en public, les Sanson (1688-1842) pour avoir coupé toutes les têtes de la Révolution française à Paris, et notamment celles de Louis XVI et Marie-Antoinette.
Avant eux, et notamment avant la suppression de tous les bourreaux régionaux en 1870, une foule de noms pourrait être citée. En particulier jusqu'au XVIIe siècle, lorsque, bien avant la guillotine, la plupart des affaires criminelles se terminaient sur l'échafaud.
Paris comptait alors une multitudes de lieux de supplice et, au fil des époques, une importante colonie de bourreaux décapitait, pendait, ébouillantait, brûlait, écartelait ou brisait sur la roue.
La fonction leur imposait aussi de pratiquer la « question préalable » , destinée à obtenir le nom des complices, ou la « question préparatoire » , destinée à faire avouer le crime. Le bourreau faisait ingurgiter une extraordinaire quantité d'eau, étirait le patient, ou lui fracassait les pieds dans les brodequins.
Les noms d'Henri Cousin et de son fils Jehan, au XVe siècle, exécuteurs du beau-frère de Louis XI, Louis de Luxembourg, ou le nom de Jean Guillaume, bourreau au XVIIe siècle, ou encore de Jean Capeluche, lui-même décapité en 1418 pour avoir dirigé des massacres lors de la guerre entre Armagnacs et Bourguignons, sont les seuls à ne pas être tombés dans l'oubli.
La profession connaît un tournant en 1791 lorsque l'Assemblée décide que désormais, « tout condamné à mort aura la tête tranchée » et que, dans la foulée, apparaît la guillotine.
Satisfait, semble-t-il de ce nouvel outil, Sanson, va montrer à la foule la tête d'un des premiers guillotinés, dans un geste qui deviendra aussitôt une tradition. Mais quelques jours plus tard, lorsque l'on guillotine trois faussaires en assignats, alors que Sanson brandit une tête, l'un de ses fils tombe de l'échafaud et se tue.
C'est lui qui, dans six mois guillotinera le roi, c'est à lui que, dans un an, Danton va dire «tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine» , c'est à son fils Henri que, dans 18 mois, la du Barry va demander «encore une minute» et c'est Henri qui devra nettoyer le couteau parce que le suivant refuse que son sang de républicain soit mêlé à celui de cette «prostituée» .
Au début du XXe siècle encore, le bourreau est un personnage célèbre. La peine de mort attire les foules. Deibler est reconnu dans la rue, acclamé en janvier 1909 à la Gare du Nord, à son retour de la quadruple exécution des «bandits d'Hazebrouck» . On manifeste au cri de «vive Deibler !» lorsqu'en 1907 le président Fallières gracie un assassin d'enfant.
C'est que ce Deibler est un virtuose. Le 21 avril 1913, sur le trottoir du boulevard Arago, quatre minutes lui suffiront pour guillotiner les trois survivants de la Bande à Bonnot. Il prêche que l'art du bon bourreau est dans la synchronisation. Il s'agit de basculer le patient sur la planche coulissante, de le pousser sous le couteau, de lui coincer la tête dans la « lucarne » et de déclencher la chute du couperet. Une parfaite synchronisation réduit le temps à une quinzaine de secondes alors qu'un mauvais bourreau peut mettre une minute.
A la mort du dernier Deibler, en 1939, la charge d'exécuteur va rester dans la famille comme c'est la tradition. Ses cousins Jules-Henri Desfourneaux puis André Obrecht lui succéderont. Puis, en 1951, le neveu d'Obrecht, Marcel Chevalier, sera le dernier bourreau de France. C'est lui qui, pour la dernière fois en Europe, actionnera la guillotine en 1977, à Marseille.