Les années 30 en Espagne : la République puis la guerre
Par Claude CASTERAN
En 1931, s'ouvre en Espagne la parenthèse démocratique de la IIe République qui va être brutalement refermée quelques années plus tard par les nationalistes de Franco.
Le premier gouvernement républicain prend ses fonctions le 14 avril 1931 à la suite de la victoire de la gauche aux municipales. Le roi Alfonso XIII choisit l'exil. Le socialiste Manuel Azana dirige le gouvernement.
Il s'emploie à rédiger une nouvelle constitution. L'Etat espagnol est « une république de travailleurs qui s'organise en régime de liberté et de justice émanant du pouvoir du peuple », affirmait cette loi fondamentale instituant la séparation de l'Eglise et de l'Etat, l'expropriation de terres agricoles pour cause d'« utilité sociale », la dissolution des ordres religieux et la nationalisation de leurs biens.
L'Eglise, l'armée et une classe aisée, décidée à maintenir ses privilèges, se dressent alors contre la République.
La République crée les missions pédagogiques pour lutter contre l'analphabétisme qui touche la moitié de la population.
En camionnette ou à dos d'âne, ces missions amènent jusqu'à plus de 5.000 villages des livres, disques et même des troupes de théâtre, comme celle du poète Federico Garcia Lorca, qui sera assassiné en 1936 par les milices franquistes.
Loi sur le divorce et le mariage civil, vote des femmes et réforme militaire comptent aussi au nombre des réalisations éphémères du gouvernement républicain.
Les revendications autonomistes de Catalogne et du Pays basque, la violente répression du soulèvement des paysans d'Andalousie, commencent à éroder le crédit de la République, au bénéfice de la droite catholique qui remporte les élections générales de 1933.
La République vire à droite et écrase dans le sang la révolte des mineurs des Asturies en 1934 : les troupes menées par un jeune général, Francisco Franco, font 2.000 morts et des milliers de prisonniers.
Beaucoup de jeunes Espagnols adhèrent à la Phalange, le parti fondé par José Antonio Primo de Rivera.
Pourtant, la gauche remporte de justesse les élections de février 1936.
L'assassinat d'un lieutenant de gauche et d'un député de droite allument la mèche du soulèvement militaire du 18 juillet 1936, ouvrant la voie à la guerre civile.
Ce sera un mélange d'idéalisme et d'horreur, un combat entre « fascisme » et « bolchevisme », marqué par de multiples atrocités commises contre chaque camp.
L'Allemagne de Hitler et l'Italie de Mussolini soutiennent les nationalistes alors que l'URSS de Staline appuie les républicains au cours de cette confrontation, souvent qualifiée de prélude - et de terrain d'entraînement - à la IIe guerre mondiale.
Pont aérien et bombardements en piqué sont quelques-unes des méthodes perfectionnées en Espagne par les forces étrangères en présence, avant de les appliquer au conflit mondial.
Aidées par les aviations allemande et italienne, l'armée insurgée d'Afrique, venue du sud, commandée par Franco, et les forces nationalistes dirigées au nord par le général Emilio Mola enchaînent d'abord les succès en convergeant vers Madrid. Mais elles sont vite arrêtées par les milices républicaines au nord de la capitale.
L'entrée en guerre en octobre, aux côtés des Républicains, de l'URSS, des célèbres « Brigades Internationales », permet ensuite de rééquilibrer temporairement les forces.
Des milliers de volontaires de plus de 50 pays ont en effet afflué en Espagne en octobre 1936 pour soutenir le gouvernement du Front populaire. Sur les quelque 35.000 combattants au sein de ces « Brigades », environ 10.000 ont été tués.
Les deux camps s'installent alors dans une guerre de positions, ponctuée de batailles acharnées et souvent indécises (Jarama, Belchite, Teruel) et de massacres indiscriminés de populations civiles, notamment à Guernica, au Pays basque.
Peu à peu, cependant, l'armée nationaliste, bien équipée et disciplinée, prend l'ascendant sur le camp républicain, peu ou pas épaulé par les démocraties occidentales, France et Angleterre en particulier.
L'échec d'une dernière contre-offensive sur l'Ebre sonne le glas des espoirs républicains. Ceux-ci sont contraints de déposer les armes le 1er avril 1939.
Le conflit, sans prendre en compte les décès par famine ou épidémies, a causé la mort de quelque 400.000 personnes, selon les travaux historiques les plus récents. Le chiffre, longtemps avancé par chaque camp, d'un million de victimes, semble aujourd'hui exagéré.