Guernica : un bombardement tragique et controversé
 

 

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Guernica bombardée le 26 avril 1937. - AFP
Guernica bombardée le 26 avril 1937. - AFP

La destruction en 1937 de la petite ville basque de Guernica (province de Biscaye) par l'aviation nazie est devenue le symbole de la barbarie militaire.

Cette localité d'alors 6.000 habitants fut attaquée le 26 avril par les avions de la Légion Condor allemande, venue soutenir les forces nationalistes de Francisco Franco pendant la guerre civile espagnole.

Le bombardement aveugle en fin d'après-midi, un jour de marché, provoqua des incendies qui détruisirent les trois-quarts de la ville et fit plusieurs centaines de morts. En novembre 36, Madrid avait été la première capitale européenne bombardée mais Guernica, berceau historique d'un nationalisme basque que voulait écraser Franco, devint ainsi la première ville de l'histoire détruite par une attaque aérienne visant sciemment des civils.

La « tragédie » de Guernica fut immédiatement dénoncée, deux jours plus tard, par le journaliste anglais George Steer, dans un célèbre article publié à la « Une » du New York Times, mais seulement en page 17 du Times de Londres.

Steer y décrivait précisément les attaques en piqué des Junkers et Heinkels allemands, qui déversèrent sur Guernica des milliers de bombes, en bonne partie incendiaires, avant de mitrailler au sol les habitants fuyant les incendies.

La bataille de la propagande

Pourtant, le camp nationaliste accusa aussitôt les forces républicaines d'avoir mis le feu à la ville, une contre-vérité de propagande longtemps relayée par les médias et milieux conservateurs en Europe.

Par la suite, embarrassés, les Franquistes attribuèrent la responsabilité de ce massacre aux Allemands, tandis que ces derniers affirmèrent avoir seulement voulu bombarder un pont et une usine d'armement - qui ne furent pas touchés - près de Guernica.

Les recherches historiques, ainsi qu'une longue enquête effectuée dans les années 1970 par le journaliste Anglais Gordon Thomas, ont toutefois confirmé que le bombardement répondait bien à une « stratégie de terreur », voulue par les nationalistes en concertation avec leurs alliés nazis.

Le général putschiste Emilio Mola, qui menait l'offensive contre les républicains dans le nord, avait clairement affiché son intention de « raser toute la Biscaye », pour terminer rapidement la guerre dans cette province.

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Pablo Picasso dans les années 60 dans son atelier de Mougins, au sud de la France - AFP
Pablo Picasso dans les années 60 dans son atelier de Mougins, au sud de la France - AFP

En dépit de ces évidences, le drame a longtemps continué à être minimisé par certains milieux de droite, dans une Espagne divisée par la cruelle guerre civile.

L'historien conservateur Cesar Vidal, dans un livre à succès publié sur ce conflit (« La Guerre qu'a gagnée Franco ») qualifie le bombardement de Guernica « d'épisode mineur », qui a servi de prétexte au Front populaire pour dénoncer la « barbarie fasciste ».

Selon lui, il n'y aurait eu à Guernica « qu'un peu plus d'une centaine de morts », dus à la « déplorable incompétence » des autorités locales, incapables de « construire des abris » ou d'éteindre les incendies.

Steer avait parlé de centaines de victimes et les autorités basques de 800 tués dans un premier temps, avant de fixer un chiffre de 1.654 morts. Les estimations des historiens varient de 300 à un millier de morts.

Pablo Picasso, pour sa part, ne douta jamais de l'origine et de l'ampleur de la tragédie, dépeinte dès 1937 dans son célèbre tableau, Guernica.

« C'est vous qui avez fait ça? », lui demanda plus tard à Paris au sujet de cette peinture l'ambassadeur allemand Otto Abetz. « Non, c'est vous », répondit, cinglant, le peintre espagnol.

 

 

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