La dure répression d'après-guerre

Par Claude CASTERAN

 

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Des manifestants pro-Franco rassemblés place d'Orient le 2 octobre 1973 à Madrid - AFP
Des manifestants pro-Franco rassemblés place d'Orient le 2 octobre 1973 à Madrid - AFP

La guerre civile s'est achevée en 1939 par la victoire du camp nationaliste mais la féroce répression contre les vaincus va, elle, se poursuivre pendant des années.

Ce fut une véritable épuration, longtemps occultée par les historiens, décidée par l'Etat contre tous les opposants au régime, militants politiques ou pas.

Durant l'après-guerre, des dizaines de milliers de « rouges » - de 50.000 à 130.000, selon les historiens - furent sommairement fusillés ou soumis aux travaux forcés.

Un demi-million de personnes prirent par ailleurs le chemin de l'exil, leurs biens étant saisis.

Fin 1939, l'Espagne était une gigantesque prison avec des dizaines de milliers de républicains incarcérés. Certains historiens avancent le chiffre de 500.000.

Dénoncés dans les villes et villages, y compris par le « curé » local, ils étaient expédiés dans des camps pénitentiaires militarisés, un système de rédemption par le travail conçu par le Jésuite Agustin Perez del Pulgar.

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Février 1939 : des soldats républicains espagnols fuient l'Espagne et arrivent en France après la victoire de Franco lors de la guerre civile - AFP
Février 1939 : des soldats républicains espagnols fuient l'Espagne et arrivent en France après la victoire de Franco lors de la guerre civile - AFP

Si l'Eglise est devenue un des piliers idéologiques du franquisme, c'est que des milliers de prêtres et de religieuses ont été tués, notamment en 1936, par les républicains. De nombreux catholiques modérés ont alors apporté leur soutien aux militaires.

Plusieurs dizaines d'associations ou fondations se sont créées en Espagne depuis longtemps pour lutter contre « l'oubli officiel » de cette période répressive, ponctué par une amnistie générale en 1977, dans le cadre de la « transition » démocratique.

Parmi elles, l'ARMH (Association pour la récupération de la mémoire historique) se bat pour faire ouvrir des fosses communes où ont été jetés les fusillés républicains et leur rendre hommage.

« La répression a été terrible. Pour Franco, la guerre n'avait pas suffi, il fallait une deuxième vague de terreur », afin de mater définitivement l'opposition, selon Emilio Silva, le président de l'ARMH.

Pour de nombreux historiens, Franco prolongea volontairement la guerre à partir de 1937. Il contrôlait alors la majorité de l'armée mais la moitié du territoire seulement.

Son but n'était pas uniquement de gagner la guerre mais d'anéantir l'ennemi. La brutalité de la répression dans les zones conquises et les exécutions massives soutiennent cette thèse.

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Des manifestants déploient une banderole montrant des photos de victimes du régime franquiste à Madrid le 10 avril 2014 Gerard Julien - AFP
Des manifestants déploient une banderole montrant des photos de victimes du régime franquiste à Madrid le 10 avril 2014. Gerard Julien - AFP

Un arrêt historique

En 2007, une loi dite de « mémoire historique » a été adoptée tandis que le juge Baltasar Garzon a commencé son combat pour rendre justice aux victimes du franquisme.

Les descendants des victimes de la dictature ont obtenu en novembre 2014 la mise en cause d'ex-ministres, de policiers et magistrats, tout en espérant de nouvelles avancées.

Dans un arrêt historique, la juge argentine Maria Servini de Cubria a lancé 20 mandats d'arrêt visant six anciens ministres de Franco, un ex-ministre de la transition, huit policiers, trois magistrats, un médecin et un ancien secrétaire d'Etat.

Ils sont poursuivis dans une enquête ouverte en 2010 pour génocide et crimes contre l'humanité pendant la guerre civile et la dictature de Franco, au nom du principe de justice universelle.

Malgré les demandes insistantes des Nations Unies, aucun crime n'a jusqu'alors jamais été jugé même si, selon les plaignants, « un plan systématique, généralisé, délibéré » destiné à « terroriser les Espagnols » est responsable de milliers de disparitions forcées.

Parmi les ministres que la juge veut entendre, beaucoup ont poursuivi de brillantes carrières après la mort de Franco, certains revendiquant ouvertement leur attachement au caudillo, comme José Utrera Molina, aujourd'hui presque nonagénaire.

M. Utrera avait signé, avec d'autres personnes poursuivies, la condamnation à mort en 1974 de l'anarchiste catalan Salvador Puig Antich, accusé d'avoir tué un policier et qui a ensuite été torturé à mort, selon sa soeur.

Par ailleurs, selon les associations, des milliers de bébés pourraient avoir été volés pendant la dictature, aucune loi espagnole n'ayant encadré les adoptions avant 1987.

Sous le franquisme, ces bébés étaient enlevés à leurs mères républicaines en vertu d'un décret de 1940 qui permettait au régime de s'emparer des nouveaux nés s'il estimait que leur future « éducation morale » était en danger.

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Garzon contre les crimes du franquisme - INA