Mobilisation pour sauver les derniers pans du Mur

Par Yannick PASQUET

 

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Manifestation devant un pan du mur de Berlin le 1er mars 2013 - Odd Andersen - AFP
Manifestation devant un pan du mur de Berlin le 1er mars 2013. Odd Andersen - AFP

Que faire du Mur ? Au lendemain de sa chute, la question se pose. Dans les semaines suivantes, l'idée germe d'en livrer une portion, peinte en blanc côté Est, aux inspirations d'artistes, sur les thèmes de la paix, de la liberté et de la tolérance.

C'est ainsi, qu'entre février et septembre 1990, plus de 100 artistes du monde entier ont couvert de fresques colorées les panneaux d'un tronçon de 1,3 kilomètre du Mur situé le long de la Spree, la rivière qui traverse Berlin.

Devenue un haut lieu du street art, la « East Side Gallery » est présentée comme « la plus grande galerie d'art à ciel ouvert du monde », admirée chaque année par des cohortes de visiteurs.

Bien que bénéficiant depuis 1991 du statut de monument juridiquement protégé, la plus longue section restante du Mur a été en 2013 au cœur d'une mobilisation populaire contre un projet immobilier menaçant une partie de l'enceinte.

L'AFP a suivi la mobilisation des habitants contre ce projet.

BERLIN, 1er mars 2013 (AFP) - Des habitants se mobilisent pour sauver l'un des derniers vestiges du mur de Berlin, symbole honni de la Guerre froide durant 28 ans, menacé d'être amputé pour permettre de nouveaux aménagements urbains.

Environ 200 manifestants ont interrompu vendredi les travaux de percement d'une brèche dans le plus long vestige du Mur, l'East Side Gallery, un tronçon de plus d'un kilomètre décoré de fresques, a constaté l'AFP.

Des dizaines de policiers faisaient face aux protestataires qui avaient commencé à se rassembler à l'aube avec des pancartes, certains poussant des huées après qu'une grue eut retiré un premier panneau de quelques mètres de large. Afin de calmer la situation, la police a annoncé la suspension des travaux « pour la journée et jusqu'à nouvel ordre ».

« C'est un mémorial de la Guerre froide qui rappelle le temps où l'Allemagne était divisée ! », s'emporte Sascha Disselkamp, patron d'un club et d'un restaurant berlinois. « On ne doit pas permettre que soient construits un immeuble d'habitation et un hôtel » de luxe à un endroit où des gens sont morts.

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Fresque murale du Baiser fraternel entre Brejnev et Honecker à Berlin, en novembre 2014 - John MacDougall - AFP
Fresque murale du Baiser fraternel entre Brejnev et Honecker à Berlin, en novembre 2014. John MacDougall - AFP

Cette figure des nuits berlinoises est l'un de ceux qui se rebiffent contre le projet de la Ville de percer une partie de l'East Side Gallery, coincée entre une voie rapide et la Spree, la rivière qui traverse Berlin et marqua pendant 28 ans la frontière entre Berlin-Ouest et Berlin-Est.

Le long de cette avenue sans âme où vrombissent camions et berlines s'étirent sur 1,3 kilomètre les pans de béton de 3,6 mètres de hauteur ornés de fresques, devenus l'une des attractions touristiques majeures de la capitale allemande.

Des restes du Mur, qui sépara Berlin du 13 août 1961 au 9 novembre 1989, il ne reste plus grand chose dans cette ville devenue l'une des capitales les plus en vogue d'Europe. Sur les 155 km de béton qui encerclaient Berlin-Ouest, à peine trois kilomètres sont encore debout.

Le percement de l'East Side Gallery vise à construire un accès direct à une tour d'habitation de grand luxe de 63 m de haut qui doit prochainement sortir de terre sur les berges de la Spree, selon les opposants.

Le promoteur immobilier, la société Living Bauhaus, s'en défend. Percer le Mur s'impose pour des raisons de sécurité, selon son patron, Maik Uwe Hinkel.

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La Ville veut assurer l'accès à un pont pour piétons et cyclistes qui devrait enjamber la Spree d'ici 2015. Une deuxième percée est même envisagée, ce qui ferait disparaître au total environ 30 mètres de l'East Side Gallery.

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Plus d'un million de touristes des quatre coins du monde viennent chaque année se faire photographier devant ces restes du Mur. Parmi les fresques les plus connues qui composent l'East Side Gallery: le « Baiser fraternel » entre les dirigeants soviétique Brejnev et est-allemand Honecker, ou les têtes multicolores de l'artiste français Thierry Noir.

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Chantier de construction derrière une portion du mur de Berlin, en mars 2013 - John MacDougall - AFP
Chantier de construction derrière une portion du mur de Berlin, en mars 2013. John MacDougall - AFP

Pour ce dernier, il est important de préserver cette galerie à ciel ouvert dans son intégralité car elle donne une idée du caractère spectaculaire de l'édifice. « C'est la dernière possibilité de montrer simplement à la jeune génération : " Ne commettez plus les erreurs de vos parents ! " », estime-t-il.

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Depuis plus de 20 ans, le long de la Spree s'est développée la culture alternative qui fait la réputation de Berlin la fêtarde dans le monde entier. Clubs installés dans des anciens entrepôts, bars sur barges en bois, plages de sable importé, on danse ici sans discontinuer du vendredi au dimanche.

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Quant au Mur, de petits morceaux d'origine douteuse se vendent toujours dans le bric à brac des marchands de souvenirs. Mais le plus souvent, le ciment récupéré a servi à couler des autoroutes et construire des immeubles.

Trois semaines plus tard, quatre blocs du Mur, représentant une ouverture de cinq à six mètres de large (sur les 30 mètres prévus) ont finalement été enlevés par la mairie et remplacés par une porte.