"Ich bin ein Berliner": les mots de Kennedy
« Ich bin ein Berliner » : ces quatre mots lancés par le président John Fitzgerald Kennedy aux Berlinois de l'Ouest en ce chaud début d'après-midi du 26 juin 1963 devant la mairie de l'ancienne capitale allemande, vont résonner comme une promesse de liberté et de solidarité et marqueront à tout jamais la mémoire collective.
Deux ans après la division de la ville, la population de Berlin-Ouest est encore sous le choc de la construction de ce mur qu'aucun Allié n'a empêché et vit dans la crainte de voir à tout instant les chars soviétiques envahir ses rues. Par sa présence et par ses mots, Kennedy va rassurer les Berlinois en condamnant clairement le Mur et en promettant que l'Occident restera à leur côté.
Son interprète racontera à l'AFP en 2003 comment le président américain, fortement impressionné par la vision de la ville déchirée, lui avait demandé au dernier moment d'ajouter ces mots à son discours préparé à Washington. « Nous montions les escaliers de la mairie quand Kennedy se pencha vers moi et me demanda de lui écrire " I am a Berliner " en allemand. J'écrivis les mots phonétiquement afin qu'il puisse les prononcer correctement: Ish bin ine bear-LEAN-ar » (Je suis un Berlinois), a rapporté Robert Lochner.
Voici, à travers des extraits de dépêches, la façon dont l'AFP a couvert les principales étapes de cette visite historique d'à peine huit heures.
BERLIN, 26 juin 1963 (AFP) - Plus d'un million de Berlinois de l'Ouest ont réservé un accueil enthousiaste au président Kennedy.
Cet enthousiasme a même paru déborder au-delà du mur qui coupe l'ancienne capitale en deux. Au « check-point Charlie » on pouvait en effet apercevoir, malgré les artifices de camouflage des Allemands de l'Est, une foule imposante qui, de loin, s'efforçait de voir le chef de la démocratie américaine. Enfin, de deux ou trois immeubles situés en zone Est, quelques mouchoirs agités aux fenêtres indiquaient que ceux « de l'autre côté » n'étaient pas unanimement d'accord avec leurs maîtres du moment.
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Une mer humaine avait pris place de part et d'autre du parcours présidentiel bien avant le passage du cortège.
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Des milliers de bouquets, de simples fleurs même, étaient jetés vers la voiture présidentielle, des tonnes de confettis et de serpentins étaient déversées sur le cortège. Et, au-dessus de tout, un seul cri sortait des poitrines de cette foule composée de jeunes, de vieux, de petits bébés portés à bout de bras, et de vieillards sur les joues desquels on pouvait voir couler des larmes d'émotion.
Debout, dans leur voiture, le président, le chancelier Adenauer et le bourgmestre Willy Brandt saluaient, visiblement émus par la spontanéité de cette réception.
A deux reprises, le cortège s'est arrêté à quelques mètres du mur, près de la tragique ligne blanche peinte à même le sol qui indique la frontière du monde libre.
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M. Kennedy, visiblement impressionné, avait pu jeter un coup d’œil par-dessus le mur.
Avant d'arriver à la porte de Brandebourg, le cortège est passé devant le monument soviétique à la mémoire de la victoire de l'Armée rouge à Berlin.
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Les trois commandants militaires américain, français et britannique ont escorté le président des Etats-Unis pendant toute la visite de plus de 50 kilomètres à travers Berlin-Ouest.
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Le président Kennedy est arrivé à l'hôtel de Ville de Berlin-Schöneberg, siège du gouvernement de Berlin-Ouest. Acclamé par plus de 100.000 Berlinois, il s'est dirigé vers l'estrade pour prononcer son allocution à l'adresse des Berlinois.
Il a été longuement acclamé par la foule qui scandait « Ken-ne-dy, Ken-ne-dy, Ken-ne-dy », devant le président Kennedy.
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Voici les points forts du discours de Kennedy :
« Nous n'avons pas besoin, nous, d'ériger un mur pour empêcher la population de s'enfuir.
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Le mur, fournit la démonstration éclatante de la faillite du système communiste. Cette faillite est visible aux yeux du monde entier. Nous n'éprouvons aucune satisfaction en voyant ce mur, car il constitue à nos yeux une offense non seulement à l'histoire mais encore une offense à l'humanité.
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Ne voyez pas ce mur, envisagez le jour où éclatera la paix, une paix juste. La liberté est indivisible et tant qu'un seul homme se trouvera en esclavage tous les autres ne peuvent être considérés comme libres.
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Tous les hommes libres, quel que soit leur mode d'existence, sont citoyens de cette ville de Berlin-Ouest. C'est pourquoi moi-même je suis fier de pouvoir affirmer : " Ich bin ein Berliner ". »