Le premier cybercafé en France

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Le patron et des clients du « Café orbital » en 1995 - Pierre Boussel - AFP
Le patron et des clients du « Café orbital » en 1995. Pierre Boussel - AFP

Dans les années 1990, l'utilisation d'internet explose dans le monde occidental, mais la France est à la traîne. 
Le géant public France Télécom (privatisé en 2004, devenu Orange en 2012) se méfie du réseau à l'origine américaine et préfère miser sur son champion à la technologie française, le très lucratif Minitel (il génère 6,6 milliards de francs de chiffre d'affaires en 1994, soit 1,36 milliard d'euros).

Dans le gouvernement d'Alain Juppé, le ministre des Technologies de l'information et de la Poste, François Fillon, appuie pourtant le développement d'internet dans l'hexagone.

France Télécom finit par s'ouvrir à internet en janvier 1996 et rend possible à tous l'accès à un fournisseur. L'utilisation d'internet reste onéreuse, il faut payer un abonnement au fournisseur d'accès (entre 60 et 200 francs mensuels, soit entre 12 et 41 euros environ), plus le prix d'une communication téléphonique locale (de 8 à 37 centimes de francs la minute, soit de 2 à 8 centimes d'euros environ).

Huit mois plus tôt, alors qu'internet reste l'apanage de quelque 100.000 « pionniers » en France, l'AFP publie un reportage réalisé dans le premier cybercafé du pays.

- Le « Café orbital » : pause sandwich pour internet -

PARIS, 12 mai 1995 - « Pour moi ce sera un sandwich et une demi-heure d'internet s'il vous plaît » : depuis le 2 mai cette joyeuse commande retentit de 10h à 22h au « Café orbital », dans le quartier de la Bourse à Paris, premier café informatique en France à mettre à la disposition de ses clients toute une batterie d'ordinateurs.

C'est une invention dans l'air puisqu'un autre café de ce type vient d'être créé à Marseille.

On y vient pour consommer petit noir, salade ou sandwich, le tout agrémenté d'une liaison « internet » - le fameux réseau américain de communication mondiale - avec le reste de la planète pour ses propres recherches ou pour jouer, bref pour se brancher avec le monde extérieur, le temps d'une pause déjeuner ou d'un break dans ce quartier d'affaires de la capitale.

Il en coûtera 35 francs (environ 7 euros) la demi-heure, 60 francs (environ 12 euros) de l'heure ou encore un abonnement de 400 francs (environ 83 euros) pour 10h de connexion avec le réseau internet sur l'un des six ordinateurs installés par Baptiste Cadioux, 21 ans, et ses cinq frères et cousins. L'un d'entre eux réside à Houston et est en contact permanent avec la famille ... grâce à Internet. « Pour les clients réguliers nous avons un service gratuit de messagerie », précise Baptiste.

Baptiste, informaticien autodidacte « depuis toujours », et ses frères ont mis sur pied ce café en quatre mois, « une invention américaine qui existe déjà aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne ».

« Depuis tout petit j'ai fait de l'informatique, nous sommes des artisans, des indépendants. On a pris un risque en créant cette entreprise mais on y croit très fort. Tout reste à faire en France dans ce domaine en pleine expansion dans les pays anglo-saxons », déclare Baptiste à l'AFP.

Au premier étage du café, dans un local exigu mais très fréquenté, on trouve toutes sortes d'amateurs d'informatique qui se bousculent entre les tables, sandwich dans une main, « souris » dans l'autre, pour mieux pénétrer les secrets du réseau Internet, appelé « Net » entre initiés.

- Jeux -

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Initiation à internet au « Café orbital » - Pierre Boussel - AFP
Initiation à internet au « Café orbital ». Pierre Boussel - AFP

Ainsi, Frédéric, 31 ans, et Nicolas, 21, viennent au Café orbital pour ... jouer aux cartes. Ils font en effet partie des millions de joueurs du « Magic the gathering » dans le monde. Il s'agit d'un jeu de stratégie dans lequel les joueurs, « identifiés à des sorciers », tuent leurs adversaires en leur jetant les sorts déterminés par les cartes qui sont au nombre de 1.200 en tout.

« C'est un endroit idéal pour nous car nous ne pouvons pas nous permettre un abonnement complet à " Net ". On vient pour échanger des cartes avec le reste du monde », racontent-ils. « Bientôt on pourra jouer directement à " Magic the gathering " sur le réseau. A la fac de Jussieu tous les étudiants se connectent sur Net pour ça », disent les deux jeunes gens en riant.

Il ne faut pas plus de cinq minutes au néophyte pour apprendre à se connecter. Baptiste est d'ailleurs là du matin au soir pour l'initier.

La technologie de pointe, c'est bien, mais le bon vieux tableau noir de bistro fait toujours recette: Baptiste et ses frères comptabilisent craie en main le temps que les consommateurs passent devant leur petit écran internet.

 

A la découverte d'internet au « Café orbital » - INA