Indépendant en 1957, le Ghana ouvre la voie en Afrique noire
Colonie britannique pendant plus de 80 ans, le Ghana fut le premier pays d'Afrique noire à devenir indépendant, le 6 mars 1957.
La Gold Coast (Côte-de-l'Or) était alors le premier producteur mondial de cacao et possédait d'importants gisements de manganèse, or, diamants et bauxite.
Son émancipation s'est faite progressivement. Dès 1946, le Royaume-Uni avait innové en laissant entrer au Conseil législatif une majorité d'Africains.
L'année suivante, Kwame Nkrumah, un enseignant de retour des Etats-Unis et d'Angleterre où il a complété ses études, prit la tête du mouvement indépendantiste.
Après des troubles en 1948, les Britanniques permirent aux Africains de jouer un rôle de plus en plus important dans l'administration du pays.
Sous l'impulsion de Kwame Nkrumah, devenu Premier ministre, l'Assemblée législative de la Côte-de-l'Or réclama le 3 août 1956 l'indépendance, votée par la Chambre des communes du Royaume-Uni le 11 décembre 1956 et effective en 1957.
Le « pays indépendant au sein du Commonwealth » prend le nom de Ghana. Nkrumah en fera trois ans plus tard une République dont il sera le président, imposant un culte de la personnalité et se faisant appeler l'« Osagyefo » (le « Rédempteur »).
De 1957 à 1960, la Reine d'Angleterre reste souveraine du Ghana et demeure représentée par un gouverneur-général. La toute première séance du Parlement du Ghana fut ainsi ouverte par la duchesse de Kent.
L'indépendance
ACCRA - 6 mars 1957 (AFP) – Le Premier ministre, le Dr Kwame Nkrumah, et le leader de l'opposition, le Dr K.A. Busia, sont entrés les premiers au Parlement, acclamés par leur partisans respectifs. Puis les juges africains et britanniques de la Cour suprême du Ghana, en toges cramoisies et perruques blanches, ont pris leurs places, et Sir Charles Arden-Clarke a été assermenté premier gouverneur-général du Ghana.
C'est alors que la duchesse de Kent (...) a prononcé le discours du Trône, puis a donné lecture d'un message personnel de la Reine Elisabeth, dans lequel la souveraine déclare que ses pensées sont avec la population du Ghana en cet événement historique.
Après le départ de la duchesse, le Premier ministre a présenté une adresse à la Reine d'Angleterre, soulignant que le Ghana (...) est fier d'être le premier territoire africain à devenir libre et à faire partie du Commonwealth. M. Busia, leader de l'opposition, a appuyé cette adresse et a rendu un vibrant hommage à l’œuvre britannique en Côte de l'Or.
Le 1er juillet 1960, le Ghana devient une République présidée par Kwame Nkrumah, et reste membre du Commonwealth.
La République
ACCRA - 2 juillet 1960 (AFP) – Accra a vécu vendredi (1er juillet) sa première journée d'Etat républicain. Ce premier jour de la naissance de la république ghanéenne s'est terminée dans la soirée par une cérémonie au cours de laquelle le président Nkrumah a allumé solennellement « la flamme de l'Afrique libre ». Pendant que la flamme s'élevait dans le ciel, le président a exprimé le vœu de voir les Africains gérer leurs propres affaires et a rendu hommage aux millions d'Africains qui se battent pour leur liberté.
La cérémonie avait débuté par une parade (...) sur des airs de Mozart avec accompagnement de tambours de fifres. Un feu d'artifice, qui a duré 45 minutes et dont le coût a été évalué à plus de 3.000 livres, a clôturé les festivités.
Dans l'après-midi, le président Nkrumah avait prononcé une allocution radiodiffusée dans laquelle (...) il a exprimé sa volonté d'acheminer son pays vers un régime de type socialiste.
Par son caractère fastueux, la cérémonie d'investiture rappela plus la proclamation d'un souverain ou d'un chef religieux que celle d'un président de la République. Assis sur un trône doré, surmonté des ailes du Ghana, Nkrumah reçut un glaive en or massif présenté, sur un coussin de velours violet, par un jeune page.
Kwame Nkrumah le « Rédempteur » – Héros de l'indépendance du Ghana, apôtre de l'unité africaine
par René BENEZRA
ACCRA - 1961 (AFP) – L'« Osagyefo » (le « Rédempteur ») Dr Kwame Nkrumah, président de la République du Ghana, n'est, certes, pas le premier homme d'Etat à avoir connu la prison avant le pouvoir, mais il est peut-être le seul à avoir été tiré de la prison par les autorités qui l'y avaient jeté, pour former le gouvernement.
Aux yeux de ses compatriotes, sa réussite devait dès lors revêtir ce caractère miraculeux qui est à l'origine du titre officiel de « Rédempteur » dont ils ont voulu, depuis l'année dernière, le parer.
Né en septembre 1909, dans un petit village du cercle d'Axim (sud-ouest) et fils d'un orfèvre protestant relativement à l'aise, Kwame Nkrumah fait ses premières études dans des écoles missionnaires, puis entre au collège universitaire d'Achimota (près d'Accra) qui vient d'être fondé.
Il se destine à l'enseignement. Un séjour à Accra, capitale de la Côte de l'Or (alors colonie anglaise) en décide autrement. Un vibrant discours de « Zik » (Nnamdi Azikiwe, futur président du Nigeria) le marque fortement. L'Afrique a besoin d'hommes pouvant rivaliser en instruction et culture avec leurs protecteurs européens, a dit le grand aîné. Kwame ira aux Etats-Unis compléter sa formation. Il s'inscrit à la Lincoln University, université de Pennsylvanie réservée aux Noirs, y étudie l'économie politique et la sociologie, et accède rapidement aux diplômes supérieurs. (...)
Les études ne sont qu'un moyen. Le but est de se mettre au plus vite au service du pays et de l'Afrique. Sans tarder, il se lance dans l'aventure. Sous sa direction, l'association des étudiants africains des Etats-Unis et du Canada multiplie, avec les publications, les revendications nationalistes.
Le combat ne peut, cependant, il le sent bien, être efficacement mené de si loin. C'est en Angleterre qu'il le porte. La deuxième guerre mondiale l'interrompt mais dès la fin du conflit, le Dr Kwame Nkrumah prend une part active à la préparation du Congrès panafricain de Manchester (novembre 1945) qui jette les premières bases pratiques de la solidarité africaine.
(...)
(De retour au Ghana en 1947, après 12 ans d'absence), il fonde le parti de la Convention Populaire (CPP). Les adhérents accourent par milliers. Un coup d'arrêt est momentanément porté par l'arrestation du leader, en 1950, et sa condamnation à la prison pour sédition et incitation à la grève générale. Le ressentiment populaire raffermit, cependant, la position du parti et aux élections de 1951, la Convention populaire s'assure 35 sièges sur 38.
Maintenir en détention le chef du parti victorieux serait une erreur lourde de conséquences. Le gouverneur en a conscience. Il gracie Nkrumah et lui confie la « direction des affaires gouvernementales ». L'année suivante, en 1952, le chef du CPP accède enfin au rang de Premier ministre.
(En 1956, le Royaume-Uni accepte d'accorder l'indépendance à la Côte de l'Or). Le territoire, auquel on annexe, après referendum, une partie du Togo, reprend le nom de Ghana, sous lequel était connu un vieil empire de la côte du Bénin.
Le Dr Kwame Nkrumah, au faîte de la gloire, ambitionne le leadership africain. Sur son initiative, les chefs de onze pays de l'Afrique au sud du Sahara tiennent une conférence préparatoire à Accra. Quelques mois plus tard, une seconde conférence a lieu sous le titre plus éloquent de « Conférence des Etats africains indépendants ». Il s'agit de discuter des moyens pratiques de réaliser l'émancipation des territoires encore dépendants et l'unité de l'Afrique.
Les résultats ne contentent pas entièrement le leader ghanéen. Il souhaite des décisions moins théoriques. Une occasion inespérée s'offre à lui : l'indépendance brusquée de la Guinée. Il propose au leader guinéen, Sékou Touré, isolé du reste de l'Afrique française, une union formelle. Les actes d'union sont hâtivement signés. Nkrumah renouvellera son geste quand le Mali quittera la fédération qu'il constituait avec le Sénégal.
Les dirigeants du Nigeria, qui accède à l'indépendance en octobre 1960 et dont la population est six fois celle du Ghana, ne lui sont guère favorables. Les chefs de l'Afrique d'expression française manifestent de la méfiance à l'égard d'un unitarisme sous son égide. Le président Tubman, l’homme sage du Liberia, reste prudent. Tout semble faire échec à ses prétentions au leadership africain. Il n'est pas jusqu'à l'opposition, au Ghana même, qui ne conteste l'utilité d'une politique qui accuse les rivalités.
Par des mesures autoritaires (notamment la loi sur la détention préventive qui prévoit l'emprisonnement sans jugement des suspects pour cinq ans), Nkrumah élimine toute opposition et fait voter une constitution républicaine à régime fortement présidentiel. Il est maître absolu du Ghana. Les journaux d'Accra publient d'habiles photomontages qui le représentent à la droite du Christ ou marchant sur les flots. L'Eglise protestante sent le danger du « nkrumahisme » naissant. Un coup de semonce, les images saintes disparaissent. Le Dr Nkrumah n'en restera pas moins - et par décret - le « Rédempteur ».
De 1961 à 1964, Nkrumah échappe à plusieurs attentats après avoir imposé de sévères mesures d'austérité, s'être livré à une politique de répression et avoir fait taire toute opposition. Il est renversé en février 1966 par un coup d'Etat militaire. Il se réfugie en Guinée et meurt le 27 avril 1972 à Bucarest, où il suivait un traitement médical.