Le 25 avril 1974 a ouvert la voie à l'indépendance des colonies portugaises

 

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Lisbonne, 27 avril 1974, Civils et militaires fêtent la révolution des Œillets - AFP
Lisbonne, 27 avril 1974, Civils et militaires fêtent la révolution des Œillets - AFP


Par Isabelle HOURCADE

Alors que les colonies britanniques et françaises ont connu l'émancipation dans les années 1960, les portugaises se sont heurtées au régime dictatorial dirigé par Antonio Oliveira Salazar jusqu'en 1968, puis par son successeur Marcelo Caetano.

Il a fallu attendre la révolution du 25 avril 1974, menée par des militaires portugais ayant participé aux guerres en Afrique, pour que le dernier empire colonial européen commence à être démantelé, comme l'expliquait une dépêche de l'AFP diffusée à l'occasion du 30e anniversaire de cette « révolution des oeillets ».

LISBONNE - 23 avril 2004 (AFP) - Le renversement du régime dictatorial salazariste, le 25 avril 1974, par un mouvement de capitaines au Portugal, a marqué le début du démantèlement du dernier empire colonial européen et la fin d'un interminable conflit.

Entre 1974 et 1975, cinq pays africains, la Guinée-Bissau, le Mozambique, le Cap-Vert, Sao Tomé et Principe et l'Angola conquièrent leur indépendance. Macao sera rétrocédé à la Chine en 1999. Le Timor-Leste, envahi par l'Indonésie en 1975, n'est devenu indépendant qu'en 2002 après une intervention de l'Onu.

L'impasse des guerres coloniales après 13 ans de combats a été l'élément déclencheur de la révolte de tout un pan de l'armée, soutien traditionnel du régime.

« Nous considérions que les peuples avaient droit à l'autodétermination et à l'indépendance. Nous voulions trouver une solution politique aux guerres », indique à l'AFP Vasco Lourenço, l'un des principaux responsables du mouvement des capitaines.

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Angola, 1966, des indépendantistes s'entraînent - AFP
Angola, 1966, des indépendantistes s'entraînent - AFP

Le Portugal se trouvait alors engagé sur trois fronts, en Angola, au Mozambique et en Guinée Bissau. Fin 1973, 149.000 hommes étaient mobilisés. Côté portugais, la guerre a fait 8.290 morts et 13.000 à 30.000 estropiés ou blessés graves, selon le Centre de documentation sur le 25 avril de l'Université de Coimbra.

Aussitôt après avoir renversé le pouvoir salazariste, le Mouvement des forces armées (MFA) porte le général Antonio Spinola à la tête d'une Junte de salut national provisoire.

Le général Spinola estimait que la solution à la guerre était politique et non militaire. Mais il défendait une simple autonomie des colonies dans le cadre d'une communauté portugaise, s'opposant au MFA pour lequel l'indépendance était la priorité des trois « D » de son programme, décoloniser, démocratiser et développer.

Les officiers du MFA, après la fin des combats, collaborent d'ailleurs sur le terrain avec les mouvements de libération nationale.

Spinola perd la partie en juillet 1974 : une loi reconnaît « le droit à l'indépendance des territoires d'outre-mer ». Les négociations peuvent s'engager avec les mouvements de libération africains.

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Angola, Luanda, 4 septembre1975, des colons portugais - AFP
Angola, Luanda, 4 septembre1975, des colons portugais - AFP

Le 1er accord est signé en août avec le PAIGC de Guinée-Bissau qui proclame son indépendance le 31 octobre.

Suivront alors les accords de Lusaka le 7 septembre avec le FRELIMO mozambicain. Une révolte de colons préconisant l'indépendance « blanche » et l'intervention de l'Afrique du Sud de l'« apartheid » sera étouffée grâce à la coopération entre le FRELIMO et le MFA. Le Mozambique devient indépendant le 25 juin 1975.

En Angola, le processus est compliqué par l'existence de trois mouvements de libération rivaux : le MPLA aujourd'hui au pouvoir, l'UNITA de Jonas Savimbi et le FNLA de Holden Roberto.

Les accords d'Alvor, signés le 15 janvier dans le sud du Portugal entre Lisbonne et les trois mouvements, prévoient l'accession à l'indépendance le 11 novembre 1975. Mais l'unité entre les trois mouvements volera bientôt en éclats, prélude à la guerre civile, qui endeuillera aussi le Mozambique indépendant.

Les archipels de Sao Tomé et Principe (12 juillet 1975) et du Cap Vert (5 juillet) obtiennent de leur côté leur indépendance sans lutte armée.

« Etant donné les conditions dans lesquelles la décolonisation a été réalisée, il était impossible de faire mieux », estime aujourd'hui Vasco Lourenço, en réponse aux critiques d'une partie de la droite portugaise.

Le Portugal a rapatrié près d'un million de personnes des colonies, soit plus de 10% de sa propre population.

« Nous avons mis sur pied un vrai programme d'aide aux rapatriés et aujourd'hui personne ne sait plus qui est rapatrié ou non », souligne à l'AFP l'ancien président socialiste Mario Soares.