Tchernobyl, le cauchemar du nucléaire civil

 

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Graffiti à Pripyat, près de Tchernobyl (arrière plan) en avril 2011 - Sergei Supinsky - AFP
Graffiti à Pripyat, près de Tchernobyl (arrière plan) en avril 2011. Sergei Supinsky - AFP

Le 26 avril 1986, à 1H23, le réacteur numéro 4 de la centrale soviétique de Tchernobyl, dans le nord de l'Ukraine, explose au cours d'un test de sécurité.

L'accident, dû à une série d'erreurs humaines et aux défauts de conception du réacteur, provoque la plus grande catastrophe du nucléaire civil à ce jour.

L'augmentation brutale et incontrôlée de la réaction nucléaire entraîne la fusion du cœur et pulvérise le bâtiment. Le graphite, un des éléments utilisés dans le réacteur, prend feu, nécessitant l'intervention de pompiers dont certains, gravement irradiés, mourront rapidement.

L'installation est entièrement éventrée, le combustible se disperse autour. « Les rejets ont été continus durant une dizaine de jours » avec des « émissions et retombées massives », selon l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), organisme français expert en matière de nucléaire. Des « nuages radioactifs » contaminent une bonne partie de l'Europe.

Moscou tente de cacher puis de minimiser l'accident. L'évacuation de Pripyat, une ville de 48.000 habitants, à deux kilomètres de la centrale, n'a lieu qu'un jour et demi après l'explosion.

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Image de Tchernobyl le 30 avril 1986 à la télévision soviétique - AFP
Image de Tchernobyl le 30 avril 1986 à la télévision soviétique - AFP

Le monde ignore encore tout de la tragédie. L'alerte est donnée le 28 avril par la Suède qui observe un taux

 inhabituel de radioactivité. L'agence de presse officielle soviétique Tass publie alors une première information, une dépêche laconique de cinq phrases évoquant un « accident » à Tchernobyl.

L'AFP diffuse une première dépêche, en citant Tass :

URGENT Accident dans une centrale nucléaire en URSS

MOSCOU - 28 avril 1986 (AFP) - Un accident a eu lieu dans une centrale nucléaire soviétique, a annoncé lundi soir l'agence TASS, citant le conseil des ministres de l'URSS.

Cet « accident » s'est produit dans la centrale électrique nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, dans la région de Kiev. La date de l'accident n'est pas précisée.

« Un des réacteurs atomiques a été endommagé et des mesures sont prises pour éliminer les conséquences de l'accident », souligne l'agence officielle soviétique qui fait état de « soins prodigués aux victimes ».

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Adolescentes victimes de Tchernobyl traitées à La Havane, le 12 décembre 1994 - Adalberto Roque - AFP
Adolescentes victimes de Tchernobyl traitées à La Havane, le 12 décembre 1994. Adalberto Roque - AFP

L'ampleur de la catastrophe n'est connue que des cercles du pouvoir soviétique. Pour le traditionnel défilé soviétique du 1er mai, les écoliers marchent dans les rues de la capitale ukrainienne, Kiev, à 120 km de Tchernobyl, comme si de rien n'était. Une zone de 30 km autour de la centrale a pourtant été évacuée de ses habitants.

Resté silencieux, le chef de l’État Mikhaïl Gorbatchev n'intervient publiquement que le 14 mai. Près de trois semaines après la catastrophe, les autorités se décident à envoyer la plupart des écoliers de Kiev dans des camps de repos et autorisent les mères de famille à prendre des congés.

A la centrale, les autorités tentent d'abord en vain de verser de l'eau dans le réacteur avant de larguer par hélicoptères 4.000 tonnes de sacs de plomb et de sable sur le réacteur éventré. Le cœur est refroidi en mai, ce qui permet la construction d'une chape de béton provisoire (le « sarcophage ») sur le réacteur.

Le nombre exact de victimes reste objet de débats. En 2005, une estimation controversée de plusieurs agences de l'Onu évoque 4.000 décès avérés ou à venir dans les trois pays les plus touchés (Ukraine, Bélarus et Russie) et l'ONG Greenpeace estime en 2006 à 93.000 les décès potentiels par cancer.

Mais le comité scientifique des Nations unies sur les effets des rayonnements (Unscear) ne reconnaît officiellement que 30 morts par irradiation, tous parmi les employés de la centrale et pompiers. L'Unscear écrit en 2008 : « mise à part » la hausse des cancers de la thyroïde chez les enfants et adolescents exposés, « il n'existait, 20 ans après l'accident, aucune preuve d'un impact majeur d'une exposition aux rayonnements sur la santé publique » .

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Dôme recouvrant le sarcophage de Tchernobyl - Anatolii Stepanov - AFP
Dôme recouvrant le sarcophage de Tchernobyl. Anatolii Stepanov - AFP

Les trois autres réacteurs de Tchernobyl ont continué à fonctionner jusqu'à ce que, sous la pression de la communauté internationale, le site soit définitivement arrêté en décembre 2000.

Après des années de tergiversations, une nouvelle chape plus sûre a été construite au-dessus du premier sarcophage. Ce dôme de confinement métallique, haut de 108 mètres, a été achevé en novembre 2016. L'ouvrage hors norme de 2,1 milliards d'euros, a été financé par la communauté internationale.

Trente ans après l'accident, la faune abonde dans la zone d'exclusion de 4.200 km2 autour de la centrale, où la chasse est interdite, selon une étude publiée en 2015 dans la revue Current Biology. D'autres études montrent au contraire un recul de la biodiversité.

Tchernobyl et Fukushima sont les deux seuls accidents classés au niveau maximum 7 de l'échelle internationale Ines (International Nuclear Event Scale) qui classifie les accidents nucléaires. L'accident japonais a eu un impact régional tandis que Tchernobyl a eu des conséquences à l'échelle du continent européen en terme de rejets radioactifs, selon l'IRSN.

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La catastrophe de Tchernobyl en vidéographie, novembre 2016. David Lory/Aude Genet - AFP