La montée des périls industriels au 20e siècle
L'industrialisation s'est accompagnée, au 20e siècle, d'une multiplication des périls et catastrophes, tout d'abord liés à l'extraction du charbon puis au développement de l'industrie chimique et pétrolière, et enfin à la montée en puissance de l'énergie nucléaire.
- Poudreries et poudrières -
Jusqu'au 19e siècle, les accidents industriels les plus spectaculaires et meurtriers étaient ceux de poudreries (lieux de fabrication de la poudre) et de poudrières (lieux de stockage).
L'explosion de la poudrière de Delft qui, en 1654, a pulvérisé plus de 500 maisons dans le centre de cette ville néerlandaise, figure parmi les premières grandes catastrophes de l'ère moderne.
Un siècle et demi plus tard, l'explosion de la poudrerie de Grenelle, à Paris en 1794, fait plus de 1.000 morts et provoque d'importants dégâts matériels. Un premier enseignement est tiré de cette catastrophe, avec un décret réglementant l'installation des « manufactures et ateliers » en milieu urbain.
- Grisou et poussier -
Au 19e siècle, apparaissent, avec l'extraction du charbon, des catastrophes plus effroyables : inondations de puits de mine comme à Beaujonc en Belgique en 1812 ou incendies de galeries souterraines comme à Bully-les-Mines (Pas-de-Calais, région Hauts-de-France) en 1869.
Mais l'histoire retient surtout les « coups de grisou » et « coups de poussier », ces explosions imprévisibles de gaz naturel ou de particules de carbone en suspension dans les mines de charbon.
Le 10 mars 1906, un gigantesque « coup de poussier » ravage 110 kilomètres de galeries entre Courrières et Lens, dans le Pas-de-Calais. 1.099 personnes y trouvent la mort. C'est la catastrophe minière la plus meurtrière en Europe.
Le désastre de Courrières déclenche un mouvement de grève qui débouche en juillet 1906 sur une loi instaurant le dimanche comme jour de repos obligatoire pour les employés et ouvriers.
- Nitrate et dioxine -
Au 20e siècle, de nouvelles menaces voient le jour, liées à la multiplication des sites de production chimique. La fabrication du nitrate d'ammonium, un engrais chimique et également composant d'explosifs, est à l'origine de plusieurs désastres.
L'explosion de l'usine à nitrate de BASF à Oppau en Allemagne, fait 561 morts, le 21 septembre 1921, 80 ans jour pour jour avant la catastrophe de l'usine AZF à Toulouse (31 morts) également causée par du nitrate d'ammonium.
Mais c'est le nom d'une petite commune du nord de l'Italie que la mémoire collective retient en matière de catastrophe chimique : Seveso. Le 10 juillet 1976, un nuage de dioxine s'échappe accidentellement d'une usine chimique, près de Seveso, à une vingtaine de kilomètres de Milan.
Les animaux commencent à mourir et les enfants souffrent de brûlures chimiques de la peau. L'accident agit comme un électrochoc et marque un tournant dans l'histoire de la sécurité industrielle européenne.
En 1982, la Communauté économique européenne (CEE, prédécesseur de l'Union européenne) adopte la « directive Seveso ». Son but est de prévenir ce type d'accidents, en répertoriant et encadrant les sites industriels potentiellement dangereux.
C'est loin de l'Europe, à Bhopal en Inde que se joue en 1984, la plus grande catastrophe chimique à ce jour : la fuite, en pleine nuit, d'un gaz mortel depuis une usine américaine de pesticide, tue des milliers d'habitants pauvres, piégés dans leur sommeil.
3.500 personnes succombent les trois premiers jours, selon le gouvernement indien. La fuite aurait tué 25.000 personnes sur dix ans, d'après une évaluation du Centre indien de recherche médicale (ICMR).
- Désastres nucléaires -
Plus insidieux et angoissant qu'un nuage chimique, le péril invisible de l'énergie nucléaire frappe à plusieurs reprises entre la fin du 20e siècle et le début du 21e.
En 1957, l'incendie du réacteur britannique de Windscale (depuis rebaptisé Sellafield), accompagné d'un nuage radioactif mais d'aucune évacuation, est le premier accident sérieux d'une industrie nucléaire naissante.
L'histoire retient l'année 1979 et le nom de Three Mile Island pour la première grande frayeur nucléaire. A la suite d'erreurs humaines et de défaillances matérielles, le cœur de cette centrale située dans l'est des États-Unis, commence à fondre.
Il faut cinq jours aux ingénieurs pour reprendre le contrôle de la situation. L'accident ne fait pas de victime mais 140.000 personnes sont temporairement déplacées.
Sept ans plus tard, le pire désastre nucléaire se joue en Ukraine : le 26 avril 1986 un réacteur de la centrale de Tchernobyl explose au cours d'un test. Le cœur brûle pendant dix jours, contaminant l'atmosphère avec des rejets équivalents à plus de 200 bombes de Hiroshima. 270.000 personnes sont évacuées.
Fukushima vient clore cette série glaçante : le 11 mars 2011, un puissant séisme et un raz-de-marée énorme ravagent la côte nord-est du Japon. Une vague de 14 mètres submerge la centrale, ce qui entraîne explosions et rejets de matières radioactives.
Plus de 150.000 personnes sont évacuées. Il faudra neuf mois pour « stabiliser » le site et écarter un nouveau risque majeur.