AZF : l'horreur à Toulouse
Le 21 septembre 2001, Toulouse est secouée par une énorme explosion dont l'épicentre est l'usine chimique AZF, un site classé Seveso qui appartient à une filiale du groupe pétrolier Total.
Les vitres se brisent sur des kilomètres à la ronde, un cratère d'une dizaine de mètres se creuse au point de déflagration, les sismographes enregistrent une secousse de 3,4 degrés sur l'échelle de Richter.
Bilan : 31 morts et 8.000 blessés. L'AFP diffuse un récit de la catastrophe en février 2009 à l'occasion du premier procès AZF qui allait décider d'une relaxe générale pour les responsables de l'usine.
Vendredi 21 septembre à 10h17, Toulouse plonge dans l'horreur
Par Philippe ALFROY
TOULOUSE, 13 février 2009 (AFP) - D'abord, un petit tremblement. Le sol gronde et se dérobe sous les pieds. Une poignée de secondes plus tard, un « bang » pétrifiant et une pluie de vitres recouvre la ville. A 10H17, ce vendredi 21 septembre 2001, Toulouse bascule dans l'horreur.
Empilées en vrac dans un hangar de l'usine chimique AZF, dans la banlieue sud de l'agglomération, quelque 300 tonnes de nitrates d'ammonium ont subitement explosé et fait souffler un vent de mort et de désolation sur la quatrième ville de France.
Partout, c'est la panique. Sonnés par la déflagration, les Toulousains ouvrent les yeux sur un spectacle dantesque. Du sud au centre de la ville, les rues sont couvertes d'un tapis crissant d'éclats de vitres. Dans les bureaux, les logements, les magasins, les faux plafonds n'ont pas résisté, les portes ont été arrachées. Le verre pique les visages et le sang coule. « C'était comme un bombardement », rapportent plusieurs témoins.
En quelques secondes, les pompiers et la police sont submergés d'appels. Des personnes affolées rapportent des explosions au magasin Marks and Spencer's, devant le palais de Justice, au marché Victor-Hugo ou au Mirail. « La déflagration était telle que chacun a cru à une explosion à sa porte », expliquera le chef des pompiers, le colonel Claude Donin.
Dans l'esprit de la population, dix jours seulement après les attentats contre les tours jumelles de New York, la Ville rose vient à son tour d'être frappée par la vague terroriste.
« Les informations étaient folles, on voyait des bombes partout », se souvient Pierre Tristan, alors numéro deux de la police toulousaine.
Au fur et à mesure qu'il s'approche du lieu de l'explosion, le commissaire Tristan prend la mesure de la catastrophe. La rocade qui surplombe le pôle chimique toulousain n'est plus qu'une longue enfilade de tôles froissées d'où émergent, au milieu de la fumée et des gravats, des automobilistes hébétés aux vêtements rouges de sang.
Au bas de la route, l'usine AZF n'existe plus. Bâtiments de béton éventrés, poutrelles pliées par la violence de la déflagration, le hangar désintégré a cédé la place à un cratère impressionnant : 10 mètres de profondeur pour 50 mètres de diamètre. « C'est la guerre », répètent les rescapés.
A proximité, un magasin d'électroménager s'est écroulé, les toits du dépôt de bus se sont envolés, l'hôpital psychiatrique Gérard-Marchant a été balayé. Très vite, les secours s'organisent. Dans un hululement ininterrompu de sirènes, les véhicules rouges et blancs affluent vers le site. Les premiers ouvriers morts sont retirés des décombres. Des hôpitaux de fortune s'improvisent et les chirurgiens opèrent ou suturent « comme à la guerre »
Mais une autre menace plane : un épais nuage orangé, peut-être toxique, au-dessus de l'usine, se déplace vers le centre-ville. Réunie en cellule de crise, la préfecture donne l'ordre à la population de rester confinée.
Les secouristes portent des masques à gaz, les habitants des mouchoirs. La panique gagne. Faute de téléphone, la ville est livrée aux rumeurs les plus folles. Seveso, Bhopal ? Non, le nuage ne contient que de l'ammoniac et s'évacue rapidement. Un cadeau du vent d'autan qui souffle ce jour-là (...).
A l'occasion du troisième et dernier procès des responsables d'AZF qui se conclura par la condamnation, en octobre 2017, de l'ex-directeur du site à 15 mois de prison avec sursis, l'AFP diffuse des témoignages (extraits).
Des Toulousains racontent
Par Anne LEC'HVIEN
TOULOUSE, 20 janvier 2017 (AFP) -
- Brigitte Aubert, ancienne intérimaire à AZF, en recherche d'emploi, 59 ans : « J'ai vu ce nuage arriver, les vitres exploser, et puis plus rien. [...] Il y avait un sentiment d’apocalypse dans le bureau: les plafonds, les cloisons étaient tombées, les fenêtres, il n’y en avait plus, les fils au plafond crépitaient... »
« Nous, quand on met tous les matins nos petits appareils dans les oreilles, tous les jours ça nous ramène à AZF. Même si on veut oublier, on ne peut pas oublier ce qu’on a subi, ce qu’on a eu, les blessures, le choc, le traumatisme. »
- Armand Cassé, ancien salarié d'AZF, retraité, 63 ans : « J'ai entendu d'abord une première déflagration, et j'ai dit d'instinct : " baissez-vous ". [...] J'ai entendu des grincements de ferraille et puis le souffle venir exploser la vitre, les morceaux de verre sont venus se planter dans les portes, sur les placos ».
- Michel Lasserre, imprimeur, 57 ans : « J'ai vu tout mon atelier détruit. Il y avait des fuites d'eau, je n'avais plus de vitres, de portes, plus rien. Le premier truc que j'ai fait : j'ai pris un balais et j'ai balayé. J'étais dans un état second. »