John Lennon, "L'âme des Beatles"
Dépêche AFP diffusée le 9 décembre 1980, au lendemain de l'assassinat de John Lennon à New York.
Paris, 9 déc (AFP) - John Lennon, "L’âme" des Beatles, celui qui avait en compagnie de Bob Dylan en particulier, le plus influencé la culture musicale des "Sixties" dans les années 60, est mort au moment où il rompait avec cinq années de long silence.
Fin novembre-début décembre, il venait en effet de sortir un 33 tours de quatorze chansons, "Double Fantasy", réalisé avec celle qui fut pour les uns son inspiratrice, pour les autres son mauvais génie, sa femme Yoko Ono.
L’une de ses chansons "Just Starting Over" ("Recommencement") était tragiquement contradictoire avec la fin qui lui était réservée lundi soir dans la nuit new-yorkaise, à deux pas de Central Park.
Lennon y exprimait un message d’espoir et, sans doute influencé par Yoko Ono à laquelle il dédiait ce texte, il apportait son soutien aux femmes et aux féministes. "J’ai écrit "Starting Over" pour Yoko, disait-il dans une interview récente au Los Angeles Times, mais, par la suite, je me suis rendu compte que c’était un message pour toutes les femmes, une aspiration pour nous tous, hommes et femmes, de tout recommencer".
"Le sexisme est un tel problème et nous n’avons même pas commencé à nous en occuper, ajoutait-il. Il y a toutes sortes d’inégalités dans le monde - cette race contre cette race, ce pays contre ce pays mais ce sont toujours les femmes qui sont au bas de l’échelle".
John Lennon, qui vivait avec sa femme Yoko Ono et leur fils Sean à New-York depuis 1970, avait après de multiples combats, décidé de défendre la cause féministe.
Dans cette même interview au "Los Angeles Times", John Lennon expliquait " Je n’ai pas passé mon temps à y penser ou à aller à des meeetings. Je me suis tu et j’ai appris à cuisiner, à m’occuper de notre enfant et j’ai permis à la partie féminine de moi-même d’exister".
Depuis plusieurs années l’ancien Beatle, appliquant ces principes, vivait un peu retiré avec sa famille au septième étage de "Dakota House", un célèbre immeuble new-yorkais dominant les hautes frondaisons de Central Park. Voulant un peu échapper à son passé de "star", il se consacrait à sa culture personnelle et à ses relations avec son inspiratrice Yoko Ono.
Il avait déclaré à "Newsweek" qu’il avait une véritable boulimie de lectures: surtout histoire, anthropologie, littérature.
Il était celui qui, avec Paul McCartney sur le plan musical, avait fait d’un petit ensemble "pop" de Liverpool un groupe de renommée mondiale.
John Winston Lennon, né le 9 octobre 1940, avait assimilé tous les courants d’idées qui secouaient ou commençaient à secouer aux débuts des années soixante les occidentaux nés après la Seconde Guerre mondiale.
Du pacifisme "Hippy" en passant par le gauchisme, le mysticisme oriental, "l’herbe" et la peinture, John Lennon, d’abord au sein des "Beatles", puis avec Yoko Ono, avait tout tenté et tout expérimenté.
Après la période triomphante du groupe et leur séparation émaillée de sordides histoires d’argent, John a un court passage "gauchiste" symbolisé par deux chansons: "Working Class Hero", (le héros de la classe ouvrière) et "Power to the people" (Le pouvoir au peuple).
Il chante ses idées "de gauche", fait campagne contre la guerre du Vietnam en faisant diffuser, à ses frais dans de nombreux pays, un appel intitulé "La guerre est finie si vous le voulez".
En 1970, il s’installe à New York.
Sa production musicale à partir de ce moment-là ne mérite sans doute pas de figurer dans une anthologie de la musique moderne. Sur le plan des idées, John Lennon déclare qu’il a pour projet de mettre la musique au service de tous et notamment des enfants déshérités.
En 1972, il donne un concert de charité au Madison Square Garden au profit des handicapés de New York, un an après celui donné pour le Bangladesh, avec Georges Harrison et Ringo Starr, mais aussi Bob Dylan et le musicien indien Ravi Shankar.
La vie de John Lennon, de Yoko Ono et de leur fils Sean, né en 1975, aurait pu se dérouler paisiblement au sein de New York, "The Big Apple" comme l’appellent ses habitants. Mais les autorités fédérales américaines veillaient.
Le 10 juillet 1974, Lennon est avisé qu’il devra quitter le territoire des Etats-Unis avant septembre de la même année. Le motif officiel: en 1972, John Lennon a été condamné par un tribunal londonien pour détention de marijuana. En vertu de la législation américaine, il devra donc être expulsé.
Ses avocats soutiennent qu’en fait le musicien est puni pour avoir organisé en 1972 à San Diego (Californie) une manifestation contre la guerre au Vietnam au moment d’une convention du parti républicain.
Selon le "New York Times", l’ordre d’expulsion de Lennon est en fait un prétexte pour le déloger de New York où il professe des sentiments politiques de gauche. Finalement, en juillet 1976, il obtient une autorisation de résidence permanente aux Etats-Unis.
John Lennon depuis ce moment ne fait plus parler de lui, sinon quand il se rend en Afrique du Sud pour une période de "méditation", lorsqu’il sort son disque et jusqu’à ce qu’il tombe sous les balles de son assassin.
"Abbey Road" et "Let it be", les derniers grands titres des Beatles, avaient déjà marqué la fin d’une époque.
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