Beatles contre Rolling Stones, une guéguerre bien orchestrée
Par Valérie MIELNICKI
Beatles versus Rolling Stones, bons garçons contre mauvais garçons, « Let it be » (« Ainsi soit-il ») contre « Let it bleed » (« Que ça saigne »), la tentation du marketing était trop forte pour ne pas opposer les deux groupes phares des années 1960.
Choix de musiques, de textes mais aussi de styles, tout a été fait pour faire rivaliser les Beatles et les Stones.
Comme Brian Epstein, le découvreur des « Fab four » de Liverpool avec lequel il a déjà travaillé, le jeune publicitaire Andrew Loog Oldham rêvait de lancer un groupe pop.
Lorsqu'en avril 1963, juste après le succès du « Please, please me » (« S'il te plait, fais-moi plaisir ») des Beatles, Oldham découvre Mike Jagger et les Stones au « Crawdaddy Club » à Londres, il décide d'être leur manager.
Dès le lendemain, il signe avec eux comprenant qu'avec ces jeunes aux allures de voyous sur scène (issus en fait de la classe moyenne), il tient le pendant des Beatles que leur deuxième 45 tours - « Please, please me » - vient de propulser en tête du Hit parade.
Très vite, les Stones et les Beatles se connaissent et s'apprécient. Si bien, qu'en novembre 1963, le deuxième single des Stones sort avec une chanson de John Lennon et Paul McCartney « I wanna be your man » (« Je veux être ton homme »), en face A. C'est le succès.
Mais Oldham a l'idée « marketing » d'opposer les deux groupes. Rivalité ou émulation, l'idée sera bénéfique.
« Laisseriez-vous votre fille sortir avec un Rolling Stones ? » demande-t-il, évoquant leur côté mauvais garçons. Epstein, lui, a donné à ses poulains un look respectable, avec costume-cravate et cheveux sagement coupés au bol.
Aux bluettes des Beatles répondent les textes sarcastiques et sexistes des Stones.
« I want to hold your hand » (« Je veux tenir ta main »), « All you Need is Love » (« Tu n'as besoin que d'amour ») disent les Beatles rêvant de Peace and Love avant même de connaître l'ashram indien du Maharishi Mahesh Yogi.
De leur côté, avec « I go wild » (« J'enrage ») et « Street fighting man » (« Bagarreur des rues »), les Stones cultivent le genre rebelle au coup de poing facile, avouant une attirance pour le diable (« Sympathy for the devil ») et les Hell's Angels.
Pourtant, les points communs ne manquent pas, comme leurs racines musicales - le rock -, leurs recherches de sons nouveaux, par exemple le sitar indien et, à l'ère psychédélique, leur penchant pour les drogues, douces pour les uns, plus dures pour les autres.
De même, dans leur vie privée, les Stones comme les Beatles sont des pères de famille, généralement attentifs à leur progéniture même si pour certains, comme John Lennon, la vocation apparaît plus tardivement.
Au-delà de cette guéguerre affichée, Mick Jagger est fasciné par John Lennon et tous deux se téléphonent souvent, au moins avant chaque sortie de disque.
Au printemps 1967, le Rolling Stones Brian Jones joue du saxo sur « You know my name » (« Tu connais mon nom ») des Beatles. Pendant l'été, des Stones participent à l'enregistrement de « All you need is love » (« Tu n'as besoin que d'amour ») des Beatles et, peu après, ces derniers font les choeurs dans « We love you » (« Nous t'aimons »), 45 tours des Rolling Stones.
Autres preuves de leur complicité : la bannière « Bienvenue aux Rolling Stones » figure sur la pochette du fameux « Sgt. Pepper's lonely hearts club band » des Beatles, eux-même présents sur celle de « Their satanic majesties request » des Stones.
Cette amitié n'empêchera toutefois pas des propos peu amènes de John Lennon.
« Quand les Beatles éternuaient, c'était les Rolling Stones qui s'enrhumaient », fera-t-il remarquer après la séparation des Beatles en 1970.
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