Le putsch raté d'août 1991 qui précipita la dislocation de l'URSS
En août 1991, des communistes conservateurs opposés à la réforme d'une Union soviétique en crise tentent un putsch contre le président Mikhaïl Gorbatchev, alors en vacances en Crimée.
Mais leur tentative est mise en échec grâce à la résistance menée par le président de la Fédération de Russie Boris Eltsine et porte le dernier coup à 70 ans de communisme. Le sort de l'URSS est alors scellé.
- Les blindés dans Moscou -
Ce lundi 19 août 1991, Moscou sort à peine de sa torpeur nocturne lorsqu'à 06H20 l'agence TASS, organe officiel de l'URSS, annonce que Mikhaïl Gorbatchev, "incapable d'assumer ses fonctions pour raisons de santé", est remplacé par le vice-président Guennadi Ianaïev.
Le président soviétique est en vacances en Crimée, sur les bords de la mer Noire.
Les conjurés prennent la tête d'un "Comité pour l'état d'urgence" investi de tous les pouvoirs. Déjà, les premières colonnes de blindés et des camions de troupes convergent vers la capitale.
L'objectif des putschistes est de mettre un terme à la Perestroïka et la Glasnost, ces réformes initiées par Gorbatchev pour réformer et libéraliser l'URSS mais qui menacent l'emprise du Parti communiste (PCUS) et ont mené l'Union au bord de l'effondrement.
- Eltsine sur un char -
La nouvelle direction censure la presse. Toutefois les liaisons téléphoniques avec l'étranger fonctionnent toujours et l'aéroport international reste ouvert. Dans les rues, le calme règne, les traditionnelles queues se forment devant les magasins.
Signe qu'un événement exceptionnel se trame, les télévisions ont remplacé leurs émissions habituelles par un programme de danse classique.
Dès la première heure, le président Boris Eltsine prend la tête de la résistance. Peu avant midi, retranché dans la "Maison blanche", le Parlement russe désormais bloqué par les chars, il dénonce un "coup d'Etat de droite, réactionnaire et anticonstitutionnel".
Défiant les nouveaux chefs du pays, le très populaire dirigeant russe exige que Gorbatchev "puisse s'exprimer devant le peuple".
Alors que la population afflue vers la place du Manège, au pied du Kremlin, Eltsine debout sur la tourelle d'un char, lance un vibrant appel à la grève générale et à la désobéissance civile. Les images du tribun galvanisant la foule font le tour du monde.
- Ralliements -
Autour de la Maison blanche, quelques milliers de Moscovites érigent des barricades de fortune pour protéger le bâtiment. Trolleybus, grilles ou vieux tuyaux: tout est bon pour se préparer à l'assaut redouté des forces de l'ordre fidèles aux putschistes.
A la tombée de la nuit, les manifestants restent rassemblés devant le siège du pouvoir russe. Des habitants du quartier apportent des sandwichs et du thé.
Au matin du mardi 20 août, gilets pare-balles, casques et masques à gaz sont distribués parmi ceux qui sont à l'intérieur du Parlement: députés, ministres, artistes ou musiciens, dont le violoncelliste Mstislav Rostropovitch, arrivé de Paris. Des coups de feu sporadiques retentissent aux alentours.
Sur le terrain, trois unités militaires prennent le parti de Boris Eltsine, et exhibent le drapeau tricolore de la Fédération de Russie, devenu le symbole de la rébellion.
Des groupes de députés sillonnent les casernes de la région de Moscou pour convaincre les officiers de rejoindre la cause de Boris Eltsine. La manifestation, à l'appel d'Eltsine, rassemble plus de 50.000 personnes sous les murs du Parlement russe, malgré le passage régulier de colonnes de blindés dans les rues de la capitale.
- Folle journée -
Vers deux heures du matin, Boris Eltsine est rejoint par l'ancien ministre soviétique des Affaires étrangères Edouard Chevarnadze, sous les applaudissements frénétiques de la foule.
Si l'assaut tant redouté ne s'est pas produit, trois jeunes hommes ont toutefois péri dans un accrochage avec une colonne de blindés qu'ils essayaient de bloquer.
Une folle journée commence le mercredi 21 août avec la décision du parlement russe de chercher Mikhaïl Gorbatchev en Crimée.
Le ministère de la Défense ordonne le retour des troupes dans les casernes. Le dispositif militaire établi autour des points névralgiques de Moscou est allégé, la censure et le couvre-feu sont levés, les décrets des putschistes annulés.
La télévision recommence à émettre et diffuse la session du parlement de Russie.
Entre-temps, l'Estonie et la Lettonie ont proclamé leur indépendance.
Depuis sa datcha de Foros, le président Gorbatchev affirme "contrôler totalement la situation". Après trois jours d'incertitude, le putsch a échoué.
- Retour de Gorbatchev -
Dans la nuit, Gorbatchev regagne le Kremlin. Mais il se trouve affaibli de toutes parts: les collaborateurs qu'il avait choisis l'ont trahi ou abandonné, l'armée a vacillé et le parti a hésité.
Devenu le véritable maître du pouvoir, Boris Eltsine interdit le Parti communiste russe et écarte Gorbatchev. Le 8 décembre, la Russie, l'Ukraine et le Bélarus proclament que l'Union soviétique "n'existe plus". Gorbatchev démissionne le 25 décembre.
Les principaux factieux ont quant à eux été arrêtés, deux se sont suicidés. Ils ont par la suite bénéficié d'une amnistie parlementaire et l'un d'entre eux sera blanchi par la justice en 1994, le tribunal estimant qu'il avait agi afin de préserver les intérêts de l'ex-URSS.