La Lituanie ouvre le bal des indépendances
Le 11 mars 1990, la Lituanie devient le premier des pays baltes et la première des 15 républiques soviétiques à déclarer son indépendance de Moscou, et enclenche un processus qui conduira à la dissolution de l'URSS.
- Elan nationaliste -
Comme ses voisines des bords de la Baltique (Lettonie et Estonie), la Lituanie est absorbée par l'URSS pendant la Seconde Guerre mondiale et subit la tragique déportation par Staline de centaines de milliers de ses citoyens en Sibérie et en Asie centrale dans les années 1940-1950.
Moscou en garde solidement le contrôle jusqu'à l'arrivée en 1985 à la tête du Kremlin de Mikhaïl Gorbatchev et de sa politique de réformes, qui réveille chez les trois républiques les plus occidentalisées d'URSS des sentiments nationalistes.
A l'automne 1988, se créent des Fronts populaires républicains en Estonie et Lettonie tandis qu'en Lituanie, le mouvement Sajudis dirigé par Vytautas Landsbergis connaît un essor foudroyant.
- Protocole secret -
Ces mouvements ont trois objectifs: la "souveraineté" républicaine pour lutter contre l'hypercentralisation soviétique, la défense de leurs langues nationales menacées par la "russification", et la reconnaissance par l'URSS du protocole secret du Pacte Molotov-Ribbentrop ayant permis leur annexion.
Cet ajout secret au pacte de non-agression signé le 23 août 1939 à Moscou par les deux pays consacrait le partage entre Hitler et Staline de la Pologne et attribuait à l'Union soviétique les trois pays baltes alors indépendants.
Moscou, qui nie l'existence d'un protocole secret, parle d'un rattachement volontaire. Le camp occidental, quant à lui, n'a jamais reconnu l'inclusion des Baltes au sein de l'URSS, la considérant comme une annexion pure et simple.
- Coup d'éclat -
Le 23 août 1989, au cinquantième anniversaire du Pacte, les Baltes lancent un appel commun pour réclamer la fin de l'occupation soviétique.
Formant une immense chaîne humaine, près de deux millions de personnes se prennent par la main au long des 560 kilomètres de routes reliant les capitales, Vilnius, Tallinn et Riga.
La Lituanie franchit une étape décisive en créant un parti communiste indépendant de Moscou et instaure de fait le multipartisme, ce qui constitue alors un coup d'éclat sans précédent.
C'est un tabou qui tombe: en décembre 1989, les députés soviétiques déclarent "nuls et non avenus" tous les protocoles secrets du 23 août 1939, reconnaissant ainsi pour la première fois leur existence. Mais la validité de l'annexion des trois Baltes n'est, elle, pas remise en question.
Les Baltes finissent aussi par arracher un feu vert pour bénéficier d'une forme d'autonomie économique. Et la langue de chaque république devient langue officielle.
- Révolutions à l'Est -
L'année 1989 est aussi celle de la Révolution dans les pays de l'Est placés depuis plus de 40 ans dans l'orbite de Moscou.
Le 9 novembre, la chute du Mur de Berlin, symbole de la libéralisation en Europe de l'Est, précipite l'effondrement en quelques semaines des régimes communistes durs en Bulgarie, Tchécoslovaquie et Roumanie.
Elle conforte aussi la position des réformateurs, emmenés par la Hongrie et la Pologne, où les premières élections démocratiques dans un pays du bloc communiste ont consacré la victoire du syndicat indépendant Solidarité de Lech Walesa.
- Déclaration d'indépendance -
Au printemps 1990, les élections aux parlements républicains se traduisent par un raz-de-marée des nationalistes.
Le parlement lituanien proclame le 11 mars la restauration des droits souverains de la Lituanie indépendante. Plus prudentes, l'Estonie, en mars, et la Lettonie, en mai, proclament à leur tour leur indépendance assortie d'une "période de transition".
A l'instar des pays baltes, la quasi-totalité des républiques de l'URSS manifestent leur volonté d'émancipation. En juin 1990, la Fédération de Russie, la plus grande d'entre elles, proclame sa souveraineté sous l'impulsion de son président Boris Eltsine. Le mois suivant, l'Ukraine adopte à son tour une déclaration de souveraineté radicale.
- Vilnius ensanglantée -
Face à Vilnius, le Kremlin multiplie les ripostes: harcèlements, "oukases" (décrets), blocus économique et énergétique de la Lituanie...
La tension culmine tragiquement le 13 janvier 1991, lors de l'assaut de l'armée soviétique contre les installations de la télévision lituanienne qui fait 14 morts.
La situation prend aussi un virage meurtrier en Lettonie où le 20 janvier des unités spéciales soviétiques prennent d'assaut le ministère de l'Intérieur à Riga, faisant cinq morts.
- Reconnaissance internationale -
Le putsch manqué à Moscou, du 19 au 21 août 1991, va précipiter les événements. Fomenté par des communistes conservateurs, le coup d'Etat échoue, notamment grâce à la résistance menée par le président russe Boris Eltsine.
L'Estonie, puis la Lettonie profitent des événements pour déclarer leur indépendance, que reconnaît la Russie.
Le 24 août, Gorbatchev démissionne de son poste de sécrétaire général du Parti communiste d'Union soviétique (PCUS). Le PC est ensuite suspendu sur l'ensemble du territoire tandis que les républiques déclarent en cascade leur indépendance.
Le 27, les douze pays de la Communauté économique européenne (CEE) reconnaissent l'indépendance des Etats baltes. Les Etats-Unis en feront de même.
Le 6 septembre, l’URSS reconnaît l’indépendance des trois Baltes, qui sont admises à l'ONU le 17.
Le 8 décembre, Eltsine, avec les numéros un ukrainien et bélarusse, proclame la "mort de l'URSS". Quinze pays naissent de cette dissolution.
Les trois Etats baltes adhèreront à l'Union européenne et à l'Otan en 2004, treize ans à peine après s'être affranchis de la domination soviétique.