Crise des missiles à Cuba : le monde au bord du gouffre

 

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JFK sort de l'église à Washington, le 28 octobre 1962, quelques heures avant que l'URSS accepte de retirer ses missiles de Cuba - AFP
JFK sort de l'église à Washington, le 28 octobre 1962, quelques heures avant que l'URSS accepte de retirer ses missiles de Cuba - AFP

Par Valérie MIELNICKI

En octobre 1962, après quinze ans de guerre froide, la découverte du déploiement de missiles soviétiques à Cuba met le monde au bord du conflit nucléaire.

Pendant treize jours, une terrifiante partie de poker oppose le jeune président américain John Kennedy et le bouillant dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev.

Dirigée depuis 1959 par Fidel Castro, l'île constitue une tête de pont du camp soviétique à proximité des Etats-Unis.

Le 14 octobre 1962, des photos noir et blanc à haute résolution, prises par un avion espion U-2, révèlent la présence de rampes de lancement en pleine palmeraie tropicale, à moins de 150 km des côtes américaines. Les centres nerveux du nord-est des Etats-Unis peuvent être pris pour cibles.

« Ces bases ne peuvent avoir d'autre but que de fournir la capacité d'une frappe nucléaire contre l'hémisphère occidental », déclare Kennedy le 22 octobre dans un discours à la nation. Les images apportent les preuves que Khrouchtchev mentait lorsqu'il avait promis que l'URSS ne déploierait pas de missiles à Cuba.

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Photos aériennes de bases de missiles à Cuba, prises par un avion-espion U-2, en octobre 1962
Photos aériennes de bases de missiles à Cuba, prises par un avion-espion U-2, en octobre 1962 - AFP

Les images montrent à quelque 75 km de La Havane, au milieu des montagnes de la Sierra del Rosario, des rampes de lancement qui, selon les analystes de la CIA, ont la capacité de lancer des missiles à moyenne portée SS-4.

Khrouchtchev pensait que le président américain s'inclinerait devant le fait accompli.

Dix-huit mois auparavant, en avril 1961, des anticastristes soutenus par les Américains avaient raté une tentative de débarquement à la Baie des Cochons.

Le 30 octobre 1961, Moscou avait testé la bombe H « Tsar Bomba » (« Impératrice des bombes ») au-dessus de l'archipel de la Nouvelle-Zemble dans l'Arctique russe. En août, un mur divisait Berlin.

Devant les photos des rampes soviétiques à Cuba, des conseillers américains envisagent des frappes aériennes préventives mais, finalement, c'est l'option du blocus maritime qui prévaut et, le 22 octobre, Kennedy annonce la mise en « quarantaine » de Cuba.

Près d'une centaine d'unités navales américaines sont déployées autour de l'île ainsi que des dizaines d'escadrilles aériennes de combat, avec l'ordre d'intercepter les 18 cargos soviétiques qui s'approchent.

Le 24 octobre 1962, la confrontation atteint son paroxysme : les forces stratégiques sont placées en état d'alerte maximum, niveau précédant juste le déclenchement de la guerre nucléaire.

Des centaines de bombardiers atomiques patrouillent le ciel et des missiles intercontinentaux sont armés.

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Le 23 octobre 1962, le président Kennedy signe à la Maison Blanche la mise en quarantaine de Cuba - JFK Presidential Library/AFP
Le 23 octobre 1962, le président Kennedy signe à la Maison Blanche la mise en quarantaine de Cuba - JFK Presidential Library/AFP

Finalement, les navires soviétiques font demi-tour et, en coulisse, un accord se prépare : le retrait des missiles soviétiques contre un retrait des missiles américains équivalents de Turquie et l'assurance que les Etats-Unis renoncent à envahir Cuba.
Mais le 27 octobre, « le samedi noir », nouveau coup de théâtre : un U-2 est abattu au-dessus de Cuba, et son pilote tué. De peur que la crise ne dégénère, John Kennedy envoie son frère Robert, ministre de la Justice mais aussi homme-clé du gouvernement américain, négocier avec l'ambassadeur Dobrynine.

Le lendemain, Khrouchtchev accepte enfin de démanteler les bases de lancement et de retirer ses missiles. Le pire est évité.

C'est, pour Washington, un grand succès d'annonce alors, qu'en fait, le règlement du conflit est équilibré par des concessions mutuelles, connues ultérieurement.

En juin 1963, un « téléphone rouge » (une ligne télex) reliera directement la Maison Blanche et le Kremlin alors que, jusque-là, les communications passaient par les ambassadeurs respectifs.

Seize mois auparavant, en février 1962, après des expropriations de compagnies américaines, le président Kennedy avait décrété un embargo économique et financier contre Cuba.

Il faudra plus d'un demi-siècle pour qu'en décembre 2014, le président américain Barack Obama et le leader Cubain Raul Castro annoncent le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays.

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La crise des missiles à Cuba - INA