Une interview de Françoise Gilot

 

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Françoise Gilot dans l'atelier de Picasso en 1953 - AFP
Françoise Gilot dans l'atelier de Picasso en 1953 - AFP

Françoise Gilot dit dans une interview à l'AFP que la décennie passée au côté de Picasso fut celle d'« un dialogue pictural » et ajoute qu'elle se considère comme un peintre « essentiellement » français même si elle a la double nationalité franco-américaine.

AFP : En quoi Picasso a-t-il (ou pas) influencé votre travail ? Après votre rupture, vous avez entamé une autre vie, avec apparemment beaucoup de bonheurs. Est-ce dû à votre fort caractère ?

Françoise Gilot : J'ai aimé et admiré Picasso pour son intelligence remarquable aussi bien que pour son génie pictural, ainsi que pour son sens de l'humour. Sa maîtrise innée lui permettra de ne pas jouer au « grand maître ». La période 1943-1953 fut celle d'un dialogue pictural. Mais l'importance de la créativité « picassienne » s'est faite sentir sur tout le 20e siècle qu'on le connaisse personnellement ou pas. Pour moi, cette période est positive, elle m'a permis de poser, de me poser des questions essentielles. Rompre les liens de la vie quotidienne avec lui ne veut pas dire oublier ce que fut cette vie. Je ne pense pas qu'un caractère fort soit nécessaire dans la vie : il est important d'être centré mais, en même temps, généreux de soi. Il ne faut pas faire peser sur d'autres nos faiblesses.

Quelles ont été les évolutions de votre peinture ?

La base fut l'étude de la nature. Après, j'ai recherché la simplification et l'expressivité avec une tendance permanente à l'abstraction.

Vous vous sentez plus américaine que française ?

A partir de 1961, j'ai passé beaucoup de temps aux Etats-Unis mais, à partir de 1970, étant mariée avec Jonas Salk, créateur du vaccin anti-polio, j'y ai vécu la plus grande partie du temps. Ce n'est que plus tard, en 1978 ou 1979, que j'ai demandé et obtenu la nationalité américaine car il était devenu possible de ne pas renoncer à la nationalité française. Pour moi, la France est à l'origine de mon éducation et de ma culture, et Paris est ma ville. Je me considère comme un peintre essentiellement français mais, aux Etats-Unis, je fus toujours reçue à bras ouverts. C'est à ce pays que je dois l'ensemble de ma carrière de peintre et une reconnaissance qui est venue tôt et qui a duré. Aux Etats-Unis, la vie de tous les jours est plus simple et l'indépendance personnelle plus grande, on peut être soi à ses risques et périls, solitude peut-être, mais liberté sûrement.