De l'esclavage à la bataille pour les droits

 

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Militants pour l'égalité des droits des Noirs devant la Maison Blanche (Washington, 1963) - AFP
Militants pour l'égalité des droits des Noirs devant la Maison Blanche (Washington, 1963) - AFP

Les Noirs, présents sur le sol américain avant même la naissance des Etats-Unis, ont dû attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour sortir de leur condition d'esclave. Mais la longue lutte des Afro-Américains culminera un siècle plus tard avec le mouvement des droits civiques, qui va, sous le patronage de Martin Luther King entre 1954 et 1968, abolir la ségrégation et imposer l'inscription de l'égalité des droits dans la loi.

Quand les anciennes colonies britannique prennent leur indépendance et créent les Etats-Unis d'Amérique en 1776, la question de l'esclavage devient vite un point de dissension entre le Sud esclavagiste et le Nord abolitionniste.

Pour le Sud, la traite des Noirs, dont les premiers ont été débarqués en 1619 en Virginie, est la solution à la nécessité de main d'œuvre pour la culture du coton, tandis que le Nord, plus industriel, en rejette bientôt l'idée.

- 4 millions d'esclaves -

C'est ainsi qu'éclate la guerre de Sécession en 1861. Onze Etats du Sud font sécession des Etats-Unis dont le président nouvellement élu, Abraham Lincoln, nordiste et républicain, est partisan de l'abolition de l'esclavage.

Il y a à l'époque 32 millions d'habitants dont 4 millions d'esclaves.

L'Union, formée par les Etats du Nord, gagne la guerre en 1865. Trois amendements à la Constitution américaine sont alors adoptés pour sortir les Noirs de leur condition : abolition de l'esclavage (13e amendement), reconnaissance de la citoyenneté et égale protection de la loi (14e amendement), droit de vote à tout citoyen américain (15e amendement).

Mais les Etats du Sud, jaloux de leur indépendance, votent des lois (dites Jim Crow) qui instaurent de fait la ségrégation sur leurs territoires.

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Etudiant effaçant des inscriptions racistes (Caroline du Nord, 1957) - UPI/AFP
Etudiant effaçant des inscriptions racistes (Caroline du Nord, 1957) - AFP

Profitant du système fédéral qui garantit à chaque Etat une très grande liberté dans de nombreux domaines, les 11 Etats du Sud, édictent des "codes noirs" qui imposent une séparation entre Noirs et Blancs dans les transports, les lieux publics, les écoles, les entrées d'hôpitaux, les restaurants ou encore les cabines téléphoniques.

De façon plus insidieuse, ces codes finissent par régir les droits civiques de Noirs. Bien que la Constitution américaine garantisse par exemple le droit de vote pour tous, il est de fait entravé par différentes pratiques (taxes au bureau de vote, tests d'alphabétisation ou d'hérédité ...), érigées dans le seul but de décourager les Noirs de voter, de participer aux jurys populaires ou encore d'accéder aux postes de décision.

L'Etat fédéral désireux de ne pas ranimer les querelles de la guerre de Sécession ferme les yeux et légalise de fait la ségrégation en 1896 quand la Cour suprême autorise les Etats qui le souhaitent à imposer des mesures de ségrégation raciale à condition que les conditions offertes aux divers groupes raciaux soient égales. De là naît le principe hypocrite du "separate but equal", "séparés mais égaux", dans les lieux publics.

La ségrégation raciale prend ainsi un tour officiel et consacre le statut des Noirs comme citoyens de seconde zone, un apartheid en complète contradiction avec l'esprit fondateur de la Constitution.

Loin de l'émancipation qui devait découler de la victoire du Nord et de l'abolition de l'esclavage, le XXe siècle va produire des années d'injustice et de violences, notamment de la part du Ku Klux Klan, organisation raciste.

- L'école, premier terrain de lutte -

Au début du XXe siècle, le mouvement nationaliste noir de Marcus Garvey connaît un grand succès mais c'est l'Association nationale pour le progrès des Noirs, la NAACP (National Association for the Advancement of Colored people) créée en 1909, qui, par ses combats devant les tribunaux, prépare le terrain au mouvement des droits civiques.

La victoire la plus emblématique de la NAACP survient dans l'affaire Brown v. Board of Education (Brown contre le Bureau de l'Education). Des parents de Topeka (Kansas), portés par l'association, saisissent la justice contre l'interdiction d'inscrire leurs enfants dans les mêmes lycées que ceux des familles blanches. Le 17 mai 1954, la Cour suprême juge que cette interdiction est contraire à la Constitution. Cet arrêt sonne la fin de la ségrégation légale dans les écoles, instituée dans les Etats du Sud.

La décision de la Cour ne résout pas toutes les questions et pose au contraire d'importants problèmes d'application dont la solution prendra encore des années. Mais le mouvement des droits civiques est lancé.