Napoléon, le « petit caporal » devenu empereur

Par Frédéric Dumoulin :

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Statue de Napoléon à l'Hôtel des Invalides à Paris en avril 2021 - Thomas Coex - AFP
Statue de Napoléon à l'Hôtel des Invalides à Paris en avril 2021. Thomas Coex - AFP

« Quel roman que ma vie ! » A sa mort en 1821, la légende de Napoléon Bonaparte est déjà en marche. Celle d'un « petit caporal » corse devenu empereur d'un vaste territoire, jusqu'à la chute ultime de Waterloo.

Adoré ou abhorré, il est tantôt « l'Aigle », brillant stratège, tantôt « l'Ogre » guerrier, misogyne, qui a rétabli l'esclavage.

« Il n'y a pas un, résume à l'AFP l'historien Jean Tulard, mais deux personnages : on a Bonaparte héros de la République et Napoléon qui crée l'Empire et rétablit une monarchie héréditaire ».

Né le 15 août 1769 à Ajaccio, il est le deuxième enfant d'une famille de la noblesse insulaire désargentée.

- Empereur auto-couronné -

Son ascension est celle d'un homme « qui sait profiter des circonstances en ayant toujours la volonté de réussir et ce que Machiavel appelait la " virtù ", c'est-à-dire à la fois les qualités requises mais aussi de la chance », explique Thierry Lentz, qui dirige la Fondation Napoléon.

A 20 ans, quand éclate la Révolution, le sous-lieutenant d'artillerie gravit à toute vitesse les échelons. Promu général à 24 ans puis général en chef de l'armée de l'Intérieur à 26.

« Il est vraiment insaisissable. De très banal de caractère, il devient d'un coup complètement exceptionnel », note l'historien Charles-Eloi Vial.

Il s'éprend de la veuve d'un vicomte guillotiné, Joséphine de Beauharnais. L'épouse dans la foulée avant d'aller mener la campagne d'Italie. Le début de son épopée.

Surnommé affectueusement « petit caporal » par ses soldats, il remporte victoire sur victoire et, surtout, le fait savoir dans la presse : « Bonaparte vole comme l'éclair et frappe comme la foudre ».

Il gagne en popularité pendant la campagne d'Egypte. « C'est un propagandiste de génie. Aucun, à ce jour, ne l'égale », juge Tulard. « Avec le bicorne " en bataille " et son manteau », ajoute Vial, « il crée son personnage à la silhouette immédiatement reconnaissable ».

En 1802, lors de la trêve avec les Anglais, il récupère la Martinique. L'esclavage y est en vigueur alors qu'il vient d'être aboli en Guadeloupe. L'alignement se fera... sur la Martinique.

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Tombeau de Napoléon sous le dôme des Invalides à Paris en avril 2021 - Thomas Coex - AFP
Tombeau de Napoléon sous le dôme des Invalides à Paris en avril 2021. Thomas Coex - AFP

« Napoléon a l'ordre des sexes, des classes et des races chevillé au corps. Il a une dimension raciste », affirme l'historienne Mathilde Larrère. Pas d'accord, Thierry Lentz juge que l'esclavage, alors généralisé, est rétabli par « pragmatisme économique ».

Bourreau de travail, Napoléon parachève l'Etat moderne, centralisé, et promulgue en 1804 le Code civil qui demeure la base du droit civil en France.

Le despote amplifie le culte de la personnalité et se couronne lui-même « empereur des Français » le 2 décembre 1804, en grande pompe, à Notre-Dame.

Tout lui réussit, notamment sur les champs de bataille. Comme à Austerlitz, un an jour pour jour après son sacre : « la plus belle victoire de notre histoire », pour Jean Tulard.

Mais c'est un colosse aux pieds d'argile. A son apogée en 1811, il porte l'Empire à son extension maximale avec 88 millions d'habitants et 130 départements.

La machine se dérègle alors. Grisé, Napoléon ne sait pas lever le pied et la campagne d'Espagne marque le début de la fin.

« Il lui manque la capacité de se projeter en temps de paix et de stabiliser ce qu'il a créé. Il ne prend plus que de mauvaises décisions », dit Thierry Lentz.

Autour de lui, on s'alarme. « L'empereur est fou, tout à fait fou et tout cela finira par une épouvantable catastrophe », prédit dès 1809 un ministre.

Napoléon a mis la France au pas, instauré un Etat policier mais a parfois la main qui tremble, comme face à ses ministres Fouché et Talleyrand qui complotent contre lui.

- Elbe puis Sainte-Hélène -

Empâté, il est divisé entre une vie bourgeoise aux Tuileries avec sa seconde épouse Marie-Louise d'Autriche, qui lui a donné un héritier tant attendu, et des offensives en Russie qui laissent les finances exsangues.

L'Europe coalisée l'étrangle. Poussé à l'abdication le 6 avril 1814, Napoléon est exilé sur l'île d'Elbe, entre l'Italie et sa Corse natale.

Rapidement, il part à la reconquête de son trône, occupé par Louis XVIII. Après un débarquement surprise à Golfe-Juan et une remontée expresse du pays, le voilà revenu au pouvoir, le 20 mars 1815.

Un succès bancal. Les alliés reprennent les armes, les armées napoléoniennes ne font plus le poids et sont battues à Waterloo. C'est la fin des Cent-Jours, Napoléon abdique à nouveau, le 22 juin.

Cette fois, les Anglais le neutralisent définitivement en le déportant sur un caillou perdu dans l'Atlantique sud, Sainte-Hélène.

Malade, l'empereur déchu meurt le 5 mai 1821. Il a demandé à reposer sur les bords de Seine. Dernières volontés exaucées 20 ans après, aux Invalides, lors de funérailles grandioses.