Une monnaie unique, l'euro

Adieu francs, deutschemarks, lires ou pesetas. Le 1er janvier 2002 à 00H00 débute la circulation des pièces et billets en euros dans les pays concernés.
L'événement historique fait l'objet à minuit d'un « Flash » de l'AFP, une première information très courte :
« Pièces et billets en euro en circulation ».
Parmi les quinze pays qui forment alors l'Union européenne, la Grande-Bretagne, le Danemark et la Suède ont décidé de pas y adhérer, pour conserver cette part de leur souveraineté.
La nouvelle monnaie, qui devient palpable pour plus de 300 millions d'Européens, était déjà utilisée depuis janvier 1999 pour les transactions financières. Elle s'appelle finalement « euro » et non « écu », trop proche de « Kuh » au goût des Allemands. Le chancelier Helmut Kohl avait fait savoir que remplacer leur puissant deutschemark par une vache ne serait pas correct.
Pour le président de la Commission européenne Romano Prodi, l'euro constitue « un petit bout d'Europe entre nos mains ».
- Calculette en main -
Les Européens sont plus ou moins pressés de faire connaissance avec leur nouvelle devise. Des Finlandais font la queue dès minuit par moins 12 degrés pour se procurer les premiers euros devant les agences de la Banque de Finlande, exceptionnellement ouvertes. Les Irlandais font eux plutôt la grasse matinée du nouvel An avant de commencer à s'y intéresser. En Espagne, un premier hold-up portant sur 90.000 euros a lieu dans une banque quelques heures avant même la mise en circulation de la nouvelle devise.
Les citoyens se familiarisent avec les nouvelles pièces et coupures, parfois calculette à la main pour vérifier des conversions plus ou moins aisées selon les pays. Les Français ont hérité d'un taux de conversion à s'arracher les cheveux, 6,55957 francs pour un euro.
Les Italiens doivent eux diviser par près de 2.000 et réapprennent à utiliser des pièces, là où les prix en lires avec de multiples zéros ne se réglaient plus qu'avec des billets.

Dans plusieurs bars français, les serveurs regrettent une diminution de leurs pourboires, car les consommateurs n'ont pas encore la notion de la valeur des pièces.
Les Européens découvrent des billets identiques pour tous les pays, arborant des motifs architecturaux neutres. Les pièces, qui vont d'un centime à deux euros, allient une face européenne et une face nationale au choix de chaque pays.
En France, c'est une « nouvelle Marianne jeune et féminine aux traits volontaires », un arbre évoquant « la vie et la croissance » et une semeuse, « constante de l'histoire française ».
Les pièces espagnoles représentent le roi Juan Carlos ou l'écrivain Cervantès, l'Irlande opte pour la harpe celtique, les pièces autrichiennes d'un euro affichent le portrait de Mozart...
L'Académie française entérine le choix de parler de « centimes » d'euro plutôt que de « cents », terme qui pourrait être confondu avec le chiffre 100 selon le Conseil national de la consommation. Les Finlandais diront eux « senttia », les Grecs « lepta ».
L'arrivée de l'euro dans les portefeuilles des Européens marque l'aboutissement de plusieurs années de préparation. Pour l'adopter, les pays candidats devaient respecter plusieurs critères prévus dans le traité de Maastricht, dont la stabilité des prix, des devises et des taux d'intérêt.

Monaco, Saint-Marin et le Vatican, qui font pas partie de l'Union, ont obtenu aussi le droit d'utiliser l'euro.
En deux mois les anciennes devises sont progressivement retirées de la circulation, jusqu'au 1er mars 2002 à 1H00.
- Sentiment de hausse des prix -
Quinze ans après le lancement de l'euro, une journaliste de l'AFP dresse un bilan dans une dépêche diffusée le 30 décembre 2016.
« L'enthousiasme fait place au désenchantement, quand se propage le sentiment d'une forte augmentation des coûts de la vie. Si plusieurs études ont montré que certains prix (alimentation, restaurants) ont bien grimpé, ils sont restés stables voire ont baissé dans d'autres domaines. En moyenne, l'euro n'a pas eu d'effet inflationniste, même si cette image lui colle à la peau.
Mais son côté pratique a séduit d'emblée. Aujourd'hui, ce sont près de 340 millions de citoyens qui peuvent voyager dans les 19 pays de la zone euro sans avoir à changer leur argent.

Et l'euro est vu par la majorité des Européens comme un garant de stabilité.
" Vous entendez beaucoup de sentiment anti-euro, mais en fait, quand vous demandez aux gens, ils disent que c'est mieux d'être en Europe que seul ", indique à l'AFP Maria Demertzis, directrice adjointe du think tank Bruegel basé à Bruxelles (...).
La zone euro a vécu plusieurs moments critiques, à commencer par la période suivant la crise financière mondiale de 2008, quand l'accès au crédit s'est asséché et plusieurs Etats membres se sont retrouvés dans l'incapacité de rembourser leurs dettes (...) cette crise culminera en 2012. Les craintes se multiplient à l'époque d'une sortie de la Grèce du club, susceptible de faire capoter l'ensemble du projet européen et l'euro ».
L'euro devient aussi la bête noire des populistes : « Les crises à répétition en Europe, économique, financière puis migratoire ont apporté de l'air aux mouvements populistes qui s'accordent dans leur rejet de l'UE et de l'euro. Et le " Brexit " les a encore confortés », relève la dépêche.
Les premiers euros - INA
Passage à l'euro en Italie - INA