Une construction secouée par des crises à répétition

L'Europe « se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises », prévoyait Jean Monnet, le « père » de l'Europe. Les crises ont en effet été nombreuses, posant la question du devenir, voire de la survie de l'Union, que le Royaume-Uni a même choisi en 2016 de quitter.
A l'origine d'une partie de ces tensions, l'opposition entre les partisans d'une Europe fédérale, avec des politiques communes dans de nombreux domaines, et les tenants d'une Europe des Nations, où chacune conserve un maximum de souveraineté.
Le premier accroc à la construction européenne intervient dès août 1954 avec l'échec du projet de Communauté européenne de défense (CED), que la France refuse de ratifier.
- Chaise vide et rabais -
Le général de Gaulle met ensuite deux fois son veto à l'arrivée du Royaume-Uni, en 1963 et 1967, retardant son adhésion à 1973.
Entre-temps, en 1965, la France provoque la crise de la « chaise vide », refusant de siéger dans les instances communautaires pendant sept mois après un affrontement autour du financement de la Politique agricole commune (PAC).
A partir de 1979, la Première ministre britannique Margaret Thatcher insiste pour obtenir un rabais de la contribution de son pays au budget européen, martelant « All we are doing is asking for our own money back » (« Tout ce que nous demandons, c'est de récupérer notre propre argent »). Une déclaration restée dans l'histoire comme « I want my money back » (« Je veux qu'on me rende mon argent »). Elle aura gain de cause en 1984.
- « Non » par référendum -
Par deux fois, en 1972 et 1994, les Norvégiens décident par référendum de rester à l'écart de la construction européenne.
En 1992, les Danois disent « non » par référendum au traité de Maastricht, qu'ils approuveront un an plus tard, après avoir obtenu des dérogations dont ne pas adhérer à l'euro.

D'autres rejets de textes européens par référendum suivront, signe d'un fossé grandissant entre des peuples et leurs dirigeants et d'une montée de l'euroscepticisme.
Les Irlandais refusent ainsi le traité de Nice une première fois en 2001 (adopté après des garanties en 2002). Les Français et les Néerlandais disent « non » en 2005 au projet de Constitution européenne, enterrant ce texte.
- Crises à répétition -
Puis l'Europe fera face à une multiplication de crises: crise financière de 2007-2008, montée du chômage, crise de la dette en Europe du Sud, particulièrement virulente en Grèce, crise migratoire, impuissance de l'Europe face à la tragédie syrienne et au conflit en Ukraine...
Plusieurs Etats européens rétablissent des contrôles aux frontières pour tenter d'endiguer le flux de demandeurs d'asile, écornant l'un des acquis les plus tangibles de l'UE, la liberté de circuler établie par les accords de Schengen.

« Ce qui a changé, c'est qu'on n'affronte pas une seule crise importante, mais une multiplicité de crises très graves et compliquées », estime Stefan Lehne, chercheur associé du centre de réflexion Carnegie Europe, s'attendant à ce que l'UE survive, au moins comme marché unique, grâce aux « puissantes logiques économiques qui le fondent ».
- Divorce britannique -
Le 23 juin 2016, le Royaume-Uni devient le premier pays à décider de quitter l'Union, un scénario approuvé par 51,9% des électeurs lors d'un référendum, après une campagne axée sur l'immigration et l'économie. Le choix du « leave » (partir) entraîne d'épineuses négociations avec les 27 autres membres de l'Union, censées aboutir à un divorce le 29 mars 2019. A l'approche de cette date, c'est l'impasse : les Britanniques, divisés, ne parviennent pas à se mettre d'accord sur les conditions de sortie du club européen. Le Brexit est reporté trois fois, devenant effectif le 31 janvier 2020 à minuit.
- Coronavirus -
L'arrivée en Europe de la pandémie de nouveau coronavirus, détectée d'abord en Chine, fait plonger les économies et suscite en mars 2020 une vague de fermetures de frontières dans l'UE et l'espace Schengen, sapant la liberté de circulation, l'un des principaux acquis de la construction européenne, déjà ébréché par les tensions migratoires.
- Guerre en Ukraine -
Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, Bruxelles fournit un appui militaire ainsi qu’une importante aide financière à Kiev et impose des sanctions économiques à Moscou. Les 27 accordent également à l’Ukraine le statut de candidat à l’adhésion à l’UE. Les Etats-membres tardent toutefois à se mettre d’accord sur les réponses à apporter à la flambée des prix de l’énergie provoquée par le conflit.
Le général de Gaulle sur l'Europe - INA
Constitution européenne : victoire du non aux Pays-Bas - INA