Une femme dans l'enfer de Diên Biên Phù

L'infirmière militaire française Geneviève de Galard, également connue sous le nom de "l'ange de Diên Biên Phù", écrit un télégramme à sa mère alors qu'elle arrive à Luang Prabang le 28 mai 1954 - AFP

« On parle souvent de "sexe faible". (Cet épisode) a permis de se rendre compte que le sexe faible n'était pas celui qu'on pensait...», raconte-t-elle en souriant des années plus tard. Elle n'a rien oublié de ce printemps 1954 où l'artillerie viêt-minh pilonne sans relâche le camp retranché le bruit « d'enfer » des tirs, la puanteur et la chaleur étouffante de ces boyaux de terre, les noms de « ses chers » blessés...

- La Une de Paris Match -

« Au milieu de cette défaite collective, il y a eu Geneviève de Galard », résumait en juin 2022 sur France Inter Marie-Laure Buisson, qui a consacré un chapitre de son livre « Femmes combattantes » à l'infirmière. « C'est une très grande héroïne ».

La France et le reste du monde découvrent le 5 juin 1954 cette jeune femme brune aux yeux bleus de 29 ans. Tout juste sortie de l'enfer, elle fait la Une de Paris Match, habillée d'une combinaison verte de parachutiste.

L'hebdomadaire titre « La France accueille l'héroïne de Diên Biên Phù ». La photo fait le tour du monde.

Née à Paris le 13 avril 1925, Geneviève de Galard-Terraube a grandi dans une vieille famille aristocratique. Devenue infirmière, elle signe en 1953 un contrat de convoyeuse de l'air et se porte volontaire pour l'Indochine. Elle accompagne dans les Dakota médicalisés les blessés depuis Diên Biên Phù mais, avec les bombardements incessants, les évacuations deviennent de plus en plus difficiles. Le 28 mars, son avion se pose acrobatiquement. Endommagé, il ne redécollera jamais. Armée d'une simple trousse de premiers secours et de sa foi indéfectible, elle officie à l'antenne chirurgicale.

Elle refait des pansements à la lumière de lampes de poche, administre des piqûres au Phénergan, réconforte les blessés, des hommes souvent plus jeunes qu'elle au regard « d'enfants égarés ».

« Quand vous descendez dans mon abri, mon moral remonte de 100% », lui murmure l'un. « Quand ce sera fini, Geneviève, je vous emmènerai danser », lui promet un légionnaire, amputé des deux bras et d'une jambe.

« Le bruit des bombardements était infernal et, lors de l'accalmie du matin, on savait que d'autres brancards allaient nous arriver », raconte- t-elle en 2014 à l'AFP. Parfois, il n'y a plus rien à faire. Certains meurent dans ses bras.

- Acclamée par 250.000 New-Yorkais -

L'infirmière militaire française Geneviève de Galard, surnommée "l'ange de Diên Biên Phù", est acclamée par des citoyens américains lors de son défilé sur Broadway, le 29 juillet 1954 à New York. - INTERNATIONAL NEWS PHOTOS (INP)/AFP

Elle gagne le respect et l'admiration de tous. Sur place, elle est faite chevalier de la Légion d'honneur et reçoit la Croix de guerre.

A la chute du camp le 7 mai, elle demande à rester jusqu'à l'évacuation des derniers blessés mais est finalement poussée dans un avion pour quitter Diên Biên Phù. « Qu'est-ce que nous allons devenir sans nos yeux bleus ? », lui lance un soldat.

De retour en France, elle se retrouve brusquement confrontée à une immense popularité. « Que je n'avais jamais ni voulue, ni recherchée. Je n'avais fait que mon devoir ».

Conviée par le Congrès américain, elle est accueillie comme un chef d'Etat et décorée à la Maison Blanche de la Médaille de la Liberté, plus haute distinction pour un étranger.

Surnommée « L'Ange de Diên Biên Phû » par la presse, elle parcourt le pays pendant trois semaines et descend Broadway sous les confettis devant 250.000 New-Yorkais.

« J'ai alors eu l'impression d'être tout à la fois actrice et spectatrice ». Fuyant les honneurs, elle repart vite en mission retombe dans un relatif anonymat qui et lui convient très bien.   
 

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Geneviève de Galard, 89 ans, l'infirmière de Diên Biên Phù, n'a rien oublié - AFP