Diên Biên Phù d'après les dépêches de l'AFP

« Un calme de mort règne sur l'immense champ de bataille transformé en cimetière », écrit l'envoyé spécial de l'AFP Bernard Ullmann après la fin des combats.

Des soldats français se protègent dans une tranchée pendant que le Viêt Minh bombarde leurs positions à Diên Biên Phù, le 4 mai 1954 - AFP

Le journaliste survolait alors Diên Biên Phù à bord d'un avion de la Croix Rouge. Voici un récit des dernières heures du camp retranché à travers les dépêches de l'AFP :

Nouvelle attaque Viêt-minh à Diên Biên Phù

HANOÏ, 7 mai 1954 (AFP) - Le Viêt-minh a lancé la nuit dernière de violentes attaques sur les faces nord-est, est et sud-ouest du camp retranché.

Il s'agit des points d'appui que l'ennemi avait tenté vainement de submerger par vagues successives dans la nuit de samedi à dimanche. Au haut commandement, on déclare qu'on ne sait pas encore s'il s'agit d'une attaque générale. Cependant, le Viêt-minh paraît avoir mis en action de gros moyens sans doute deux divisions.

Les points d'appui attaqués se trouvent de part et d'autre du PC du général de Castries et les tranchées de départ de l'adversaire sont au pied même des barbelés. 

Le temps étant mauvais, l'aviation n'a pas pu intervenir. De toute manière, il est impossible pour les chasseurs de mitrailler les Viets, car les combats se déroulent sur les positions franco-vietnamiennes et les tranchées des adversaires s'imbriquent.

Les combats à Diên Biên Phù

HANOÏ, 7 mai 1954 (AFP) - Les combats sans doute les plus violents de la bataille de Diên Biên Phù sont maintenant en cours.

Il ne reste guère plus que 800 mètres entre les deux pinces de la tenaille viêt-minh qui se rapproche, de l'ouest et de l'est, vers le PC du général de Castries.

Cette photo prise en 1954 montre des soldats vietnamiens se reposant entre deux avancées dans une tranchée à Diên Biên Phù - AFP/VNA

Dans un terrain complètement bouleversé à la suite d'une intense préparation d'artillerie dans la soirée de jeudi, les rebelles, bataillons après bataillon, sont sortis des tranchées à quelques dizaines de mètres des positions françaises, pour se jeter sur les avant-postes occupés chacun par environ une compagnie.

Après avoir fait sauter les derniers remparts de barbelés, les hommes du Viêt-minh se taillèrent au couteau et à la grenade, un chemin vers le petit abri servant de PC aux avant-postes visés.

(...)

Les nouvelles avances des Viets les placent maintenant à portée de grenade de la plupart des douze points d'appui environ restant aux mains des Français. Les Viêt-minh , qui ont presque pénétré à l'intérieur du « dernier carré », travaillent actuellement à creuser des tranchées.

Le ravitaillement par parachutage devient une entreprise extrêmement aléatoire. Il devait déjà être effectué sur les positions françaises même dans les barbelés, mais la récupération des munitions parachutées sous le feu des armes automatiques est coûteuse pour les défenseurs épuisés par les derniers combats. Le périmètre même du réduit a une surface d'environ 2 kms et demi carrés.

Chacun à Hanoï pense que le général de Castries se battra jusqu'à la fin.

La dernière conversation du général de Castries au général Cogny

PARIS, 8 mai 1954 (AFP) - De source officielle, on communique le texte de la dernière conversation échangée par téléphone entre le général de Castries et le général Cogny (NDLR: commandant en chef au Tonkin), le 7 mai, à 17 heures, heure locale.

- De Castries : « La situation est extrêmement grave. Les combats sont confus et se livrent partout. Je sens que la fin approche, mais nous nous battrons jusqu'au bout ».

- Cogny : « Bien compris. Vous vous battrez jusqu'à la fin. Pas question de hisser le drapeau blanc sur Diên Biên Phù après votre héroïque résistance ».

- De de Castries: « Bien compris. Nous détruirons les canons et tout le matériel radio. Le poste radio des courants porteurs sera détruit à 17 heures 30 nous nous battrons jusqu'au bout. Au revoir mon général. Vive la France ».

Après sa dernière communication le général de Castries a détruit son poste émetteur

Cette photo prise en mai 1954 montre des soldats français capturés, escortés par des soldats vietnamiens, marchant vers un camp de prisonniers à Diên Biên Phú - AFP/VNA

SAÏGON, 8 mai 1954 (AFP) - C'est hier après-midi à 16h45, heure locale, que le général de Castries radio-téléphonait à Hanoï :

« Le réduit central du camp retranché va être submergé, la résistance est devenue impossible ».

Après l'envoi de ce message, le général de Castries a détruit son poste émetteur. Depuis lors, aucune nouvelle n'est parvenue du PC de Diên Biên Phù ni d'aucun poste de radio du réduit central.