Par Thang Long LE
Soixante ans après la bataille, le vétéran vietnamien Hoang Dang Vinh raconte comment il a capturé le chef des forces françaises à Diên Biên Phù :
BAC NINH (Vietnam), 7 mai 2014 (AFP) - « C'était vers 17H00, le 7 mai. Le ciel était rempli de hautes colonnes de fumée noire des véhicules incendiés. Les champs étaient couverts de cadavres de soldats et d'équipements militaires détruits », se rappelle Hoang Dang Vinh qui, à l'époque, était un simple soldat de 19 ans.
Après un feu nourri de mitraillettes et de grenades, Vinh et d'autres combattants du Viêt-minh s'approchent de la casemate du commandant du camp retranché français, Christian de Castries, promu général au cours de la bataille.
Le général français assurait, au lendemain de sa libération en septembre 1954, que le drapeau blanc n'avait jamais été hissé à son poste de commandement. Ce détail diffère du tableau peint par Vinh.
« Nous avons appelé les gens à l'intérieur à se rendre, mais personne n'est sorti. Quelques minutes plus tard, un soldat français a agité une toile de parachute blanche en invitant en vietnamien nos officiers à entrer dans la casemate pour recevoir la capitulation des officiers français », raconte-t-il.
Vinh et quelques autres, dont le chef de sa compagnie, Ta Quoc Luat, pénètrent alors dans le bunker où des officiers français « se lèvent et mettent les mains en l'air, sauf Castries qui reste immobile ».
- La "haine" des Français -
« J'étais prêt à tirer sur lui », poursuit ce fils d'une famille paysanne pauvre enrôlé à 17 ans. Mais il se retient, lui criant : « haut les mains ». « La seule phrase en français que je connaissais ».
« Il a reculé de quelques pas, a mis les mains en l'air et a dit en français des mots que Luat m'a traduits plus tard: "Ne tirez pas. Je me rends" », explique Vinh à l'AFP dans sa maison de Bac Ninh, près de Hanoï, dont les murs sont couverts de photos de guerre et de médailles reçues pour ses faits d'arme.
Prévenu par radio, le général Vo Nguyen Giap, artisan de la cuisante défaite française, félicite ses hommes.
Quelques jours plus tard, « grâce à mon exploit, j'ai eu l'honneur de rencontrer l'Oncle Ho », à savoir Ho Chi Minh, poursuit Vinh qui a été admis le mois suivant au Parti communiste.
Mais si Vinh n'a pas oublié les honneurs, les images de la plus terrible des batailles de la Guerre d'Indochine sont également vives dans son esprit.
« Les combats étaient extrêmement sanglants », lâche-t-il d'une voix tremblante, décrivant les cadavres, les jambes et les bras arrachés.
Vinh, comme nombre de ses camarades, n'avait reçu qu'une formation sommaire : un mois d'entraînement à l'usage des armes à feu, des explosifs et au creusement des tranchées, capitales pour l'armée viêt-minh qui vivaient dans ces boyaux étroits.
« Toutes nos activités quotidiennes se faisaient là, y compris les services médicaux », explique Vinh. « Je pesais seulement un peu plus de 40 kilos, la vie était très difficile », poursuit-il, soulignant la « haine » qu'il ressent alors pour les Français.
« Ils ont perdu parce qu'ils pensaient que les Viêt-Minhs ne pouvaient pas gagner à Diên Biên Phù », conclut-il.