Diên Biên Phù : déroute française, coup d'éclat vietnamien
Diên Biên Phù est la bataille décisive de la Guerre d'Indochine, un désastre militaire pour la puissance coloniale française et un premier acte éclatant d'indépendance pour le Vietnam communiste.
Mené de mars à mai 1954, cet affrontement sanglant entre un camp retranché français et des assiégeant Viêt-Minh, débouche sur les Accords de Genève qui, en juillet, scellent le départ des Français et coupent en deux le Vietnam.
- Opération « Castor » : Au printemps 1953, la Guerre d'Indochine dure depuis sept ans. Le Viêt-Minh , dirigé par le leader communiste Hô Chi Minh, lance une offensive vers le Laos, allié de la France.
Située dans une plaine du nord-est du Vietnam, à 20 km du Laos, Diên Biên Phù est un point stratégique. Le général Henri Navarre, commandant en chef en Indochine, décide d'en faire une place forte.
En novembre 1953, 3.000 parachutistes y sont lâchés pour créer en un temps record un camp retranché. C'est l'opération « Castor ». Le colonel Christian de Castries en reçoit le commandement.
Cinq camps (baptisés Huguette, Claudine, Anne-Marie, Eliane et Dominique) situés autour d'une piste d’atterrissage forment la défense de cette cuvette, avec trois autres points d'appui (Gabrielle, Béatrice et Isabelle) installés un peu plus loin.
L'état-major français est persuadé que les divisions d'élite du général Vo Nguyen Giap auront des problèmes de logistique et que son artillerie n'aura pas les moyens de bombarder le site.
Le Viêt-Minh, avec l'aide militaire de la Chine, va démontrer le contraire. Des dizaines de milliers de « bo doi » (soldats) et de porteurs acheminent canons, armes et vivres par une noria de camions et vélos.
Le 13 mars 1954, 60.000 soldats Viêt-Minh, sans compter les dizaines de milliers de porteurs et de terrassiers, font face à 12.000 Français. Le Viêt-Minh déclenche son offensive avec une puissance de feu que le commandement français n'avait pas prévue.
Les Français s'avèrent incapables de riposter aux coups d'une artillerie camouflée le long des pentes malgré l'apport du bataillon parachutiste du lieutenant-colonel Marcel Bigeard
Deux premiers camps, Béatrice et Gabrielle, tombent. La piste d'aviation, battue jour et nuit par les canons est impraticable. Les avions sanitaires ne peuvent plus atterrir ou redécoller pour emporter les blessés qui s'entassent dans les souterrains de l'hôpital de campagne.
Le 28 mars 1954, le dernier avion sanitaire se pose avec l'infirmière Geneviève de Galard qui restera bloquée dans le camp retranché jusqu'à la fin.
- Pas de drapeau blanc : Giap a fait creuser des kilomètres de tranchées pour permettre aux « bo doi » de s'approcher au plus près des positions françaises et éviter des assauts massifs coûteux en hommes.
Le 30 mars 1954, 12.000 combattants vietnamien lancent l'assaut contre Eliane et Dominique, théâtres de furieux combats au corps à corps.
Durant le mois d'avril, les positions françaises tombent une à une malgré l'espoir de tenir quelques semaines pour peser sur les négociations de Genève ouvertes le 26 avril. Le 7 mai 1954, les dernières positions françaises sont submergées. L'ordre de cessez-le-feu est donné.
« Pas de drapeau blanc » ordonne Christian de Castries. « Il y eut soudain un surprenant, un terrible silence. Après 57 jours et 57 nuits de bruit et de fureur, nous eûmes l'impression tout à coup que nous étions devenus sourds », témoigne le cinéaste Pierre Schoendoerffer qui, à l'époque, filme la bataille pour l'armée française.
De Castries est fait prisonnier avec plus de 10.000 combattants français. 60% mourront dans des camps d'internement « de malnutrition, de maladies, de misère physiologique », selon Ivan Cadeau du service historique du ministère français de la Défense.
Les pertes françaises durant la bataille sont évaluées entre 2.300 et 4.000 hommes. Côté vietnamien le nombre officiel des morts est de 4.000 mais il est généralement admis que la bataille a fait plus de 10.000 tués Viêt-Minh.