L’information entre le marché et l’État : histoire de l’agence Havas et de l’AFP
En tant qu’héritière de l’agence Havas, l’Agence France-Presse (AFP) est la doyenne des agences mondiales d’information. Créée par Charles-Louis Havas en 1835, l’agence Havas devient à la fin du xixe siècle une agence généraliste et mondiale d’information, principal fournisseur de nouvelles de la presse française et étrangère. Ce succès est en grande partie lié à ses relations privilégiées avec l’État et à l’utilisation des évolutions techniques. Après la refondation de l’agence de presse en 1944, l’AFP utilise les pratiques de sa devancière pour se développer, et faire face à la concurrence des agences de presse anglo-saxonnes. Malgré ces liens étroits entretenus avec les pouvoirs publics, Havas et l’AFP ont bâti un label informationnel. Leur histoire permet de comprendre comment une agence de presse, proche de l’État, a pu faire face à la concurrence, pour devenir un des plus grands réseaux de collecte et de distribution d’information dans le monde, et une référence mondiale en la matière.
- Naissance d’une agence mondiale d’information (1832 – 1940) :
En 1832, Charles Louis Havas (1783-1858) ouvre un bureau de traduction des journaux étrangers à Paris qui propose sous forme de correspondance, des articles de la presse étrangère, aux négociants, diplomates et hommes politiques. C’est un abonnement mensuel qui est proposé aux clients qui leur permet de recevoir des nouvelles quotidiennes traduites de journaux étrangers. Le bureau se transforme en agence en 1835, et distribue chaque matin à ses abonnés une information sans opinion. Ces derniers sont tenus au courant, avant tout le monde, de l’actualité internationale. La création de l’agence Havas, intervient dans un contexte favorable aux besoins d’information avec le développement du capitalisme, de l’industrialisation et de la circulation des marchandises. La presse est alors en plein essor en Europe occidentale. En France, les périodiques se multiplient sous la monarchie de Juillet et le nombre de tirages augmente.
Ce modèle d’agence d’information essaime assez vite en Europe. En 1849, deux immigrés allemands ayant travaillé à Havas, Bernhard Wolff (1811-1879) et Paul Julius Reuter (de son vrai nom Israël Josaphat Beer, 1816-1899), comprennent l’intérêt de fournir des nouvelles quotidiennes sans opinion, et décident de fonder leur propre agence. Bernhard Wolff ouvre le « Wolff bureau » en Prusse, nommé par la suite « Continental Telegraphen Compagnie ». Après des débuts à Aix-La-Chapelle, Julius Reuter installe une agence à Londres et se spécialise dans l’information économique destinée aux banquiers, aux agents de change et aux entreprises commerciales. Les agences de presse des deux anciens collaborateurs de l’agence Havas deviennent ses principales concurrentes.
Pour devancer les services officiels de l’État dans la diffusion de nouvelles, l’agence Havas utilise les pigeons voyageurs et le télégraphe de Chappe, télégraphe optique fonctionnant depuis la fin du xviii siècle. En 1845, l’agence Havas est la première à utiliser en France le télégraphe électrique, en contrepartie de ce privilège accordé par l’État, elle transmet les informations nationales et internationales en priorité aux organismes gouvernementaux. Havas profite aussi de l’ouverture des réseaux télégraphiques au grand public en 1850 pour transmettre ses nouvelles aux grands journaux sous la rubrique « Dépêches télégraphiques privées ». En 1851, Havas utilise le câble sous-marin posé dans la Manche et, par la suite en 1879, celui qui permet de relier New York à Paris.
Dans les premières années, l’agence Havas peine à trouver des clients parmi les journaux français car ses services sont jugés trop coûteux par la presse. Pour permettre aux journaux de s’abonner à ses services information à moindre coût, l’agence Havas s’associe en 1857 avec la Société générale des Annonces (SGA) qui domine le marché des annonces publicitaires dans la presse parisienne pour proposer de la publicité à la presse. Grâce aux nouvelles recettes financières issues de la parution des annonces dans leurs colonnes, les journaux peuvent s’abonner aux informations d’Havas. C’est ainsi que l’agence intègre la publicité dans ses activités. Ce mariage information-publicité lui permet de maintenir les journaux dans une totale dépendance, comme le révèleLe Figaro du 31 juillet 1879. Représentant les journaux à Paris, Havas recueille les annonces et les réclames de toutes les affaires industrielles, commerciales et financières, ayant un intérêt à se faire connaître en province. Du montant de ses recettes d’annonces sur lesquelles elle reçoit un premier bénéfice, elle défalque le prix de ses abonnements. Avec chaque journal, l’agence Havas a une traite de longue échéance. Ce système information-publicité est d’autant plus efficace qu’il accompagne la multiplication de la presse bon marché en France dans les dernières décennies du siècle. Pour relayer à peu de frais les informations d’Havas, la presse devient économiquement dépendante des annonces publicitaires de l’agence pour continuer à exister.
D’autre part, Havas et ses concurrentes décident de développer un système d’échange d’informations et des accords de protection mutuelle sur leurs marchés respectifs. Le premier traité est signé le 18 juillet 1859 par Reuter, la britannique, Havas, la française, et Wolff, l’allemande. Chaque agence est autorisée à diffuser les services de ses concurrentes dans sa zone et s’interdit de distribuer en propre ses informations sur le territoire de ses partenaires. En 1869, une série d’accords consacre le « partage du monde » délimitant pour chacune des trois agences une zone d’exploitation. Havas diffuse en France, en Suisse, en Europe du Sud, en Amérique centrale et Amérique du Sud, et est associée à Reuter pour diffuser, en Belgique, en Grèce, en Égypte, et dans l’Empire ottoman. D’autres accords sont conclus par la suite, entre les grandes agences de presse qui fournissent leurs informations internationales et des agences nationales qui apportent en échange leurs services.
Les techniques de communication de la fin du xix siècles participent également au développement d’Havas. L’invention du téléscripteur – appareil télégraphique qui permet d’envoyer directement un texte dactylographié – donne la possibilité d’envoyer 4000 mots à l’heure au lieu de 500 par l’alphabet morse et permet aussi la transcription des dépêches à l’arrivée. Le téléscripteur se développe à l’agence à partir de 1880 quand Havas acquiert le brevet. Elle exploite aussi la télégraphie sans fil (TSF), devient propriétaire de fils spéciaux construits par l’administration des PTT, et se sert du téléphone dont les premières lignes sont exploitées en France à partir de 1879. L’utilisation des nouvelles techniques de communication permet à Havas de répondre à une de ses priorités qui est celle du scoop : être la première à donner l’information.
Au siège parisien d’Havas, place de la Bourse, sa rédaction est composée de 150 agenciers, et pour répondre à la demande de nouvelles nationales, les journalistes d’agence travaillent en trois équipes composées de vingt rédacteurs qui se succèdent à tour de rôle huit heures par jour dans une salle commune. Cette organisation du travail permet aux abonnés d’avoir un service de nouvelles sans interruption. En province, Havas a 63 succursales et emploie 400 journalistes d’agence. À l’étranger, outre les contrats d’alliances noués avec les autres agences de presse pour limiter notamment la concurrence à l’international, plus de 500 correspondants et divers collaborateurs travaillent pour l’agence au début du siècle. Ses bureaux sont disséminés sur tous les continents, et elle est présente dans toutes les capitales européennes.
- L’irruption de l’État dans la direction de l’agence Havas (1914 – 1940) :
Pendant la Première Guerre mondiale, ces traités d’alliance entre les agences de presse sont remis en cause car les gouvernements les utilisent désormais comme vecteurs de propagande, et imposent aux journalistes la censure. Ainsi, Havas sert-elle la propagande de l’État français entre 1914 et 1918. Elle diffuse aux pays neutres (notamment le Danemark, la Suède, la Norvège, la Roumanie, la Bulgarie et le Brésil) les communiqués officiels par télégraphe aux frais du pouvoir. Le ministère des Affaires étrangères constate à la suite de l’envoi des premiers télégrammes diffusés par l’agence, qu’elle est l’outil idéal de la propagande officielle. Pour Havas, cette décision de devenir le vecteur de la propagande de l’État lui assure un revenu supplémentaire dans un contexte économique difficile marqué par la réduction des recettes publicitaires et la disparition d’un grand nombre de journaux abonnés, et lui permet de continuer à bénéficier d’informations officielles et des revues de presse rédigées au ministère de la Guerre.
Cette collaboration étroite qui s’est nouée avec les pouvoirs publics perdure après la guerre. Havas bénéficie, dès 1922, de subventions importantes de l’État pour maintenir et étendre son réseau de bureaux, notamment en Amérique Latine, afin de participer à l’influence de la France dans le monde. Le gouvernement français qui a conscience que toute information partisane peut discréditer Havas, ne s’immisce plus dans la couverture de l’agence destinée à l’étranger, sachant que les journaux, clients d’Havas, peuvent obtenir une version plus neutre et non officielle via la concurrence des autres agences de presse britannique et américaine (Reuter, Associated Press). Pourtant, lors de la guerre civile espagnole ,Havas est critiquée, notamment par la presse d’extrême-droite, Je suis partout qui lui reproche d’être une officine de menées « judéo-maçonnique », voire communistes, pour être, selon eux, trop proche du camp républicain. De même, l’agence est-elle accusée par certains journaux de gauche de partialité en faveur des franquistes après le bombardement de Guernica (26 avril 1937), pour avoir publié une dépêche validant la thèse d’un bombardement de la ville par les Basques républicains : le Quai d’Orsay, soucieux de ne pas exacerber les relations franco-allemandes en période de tensions internationales est sans doute à l’origine de cette dépêche qui dissimule la véritable responsabilité des avions allemands venus soutenir le général Franco.
Les tensions internationales qui s’accentuent à la fin des années 1930 avec la montée en puissance de la propagande de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste affectent toutes les agences de presse internationales. L’agence allemande a été transformée dès 1933 en office de propagande nazie, le Deutsche Nachrichten Büro (DNB). Havas, comme les autres agences de presse européennes, subit un contrôle de plus en plus étroit des pouvoirs publics.
- De l’Office français d’information (OFI) à l’Agence France Presse (AFP) (1940 – 1957) :
La branche information d’Havas déjà sous tutelle des pouvoirs publics se soumet intégralement à l’État en 1940. La loi du 25 novembre 1940 transforme la branche information d’Havas en un Office français d’information (OFI), vecteur de la propagande du régime de Vichy. La branche publicité devient une entreprise d’économie mixte au capital de 162 millions de francs. La répartition du capital est la suivante : 20% est détenu par l’État français, 32,40% appartient aux anciens actionnaires d’Havas, et 47,60 % est revendu à un groupe commercial allemand. Cette nouvelle entreprise garde le nom d’Havas.
À la Libération de Paris en août 1944, le gouvernement provisoire de la République française, né le 3 juin 1944 à Alger, charge le Conseil national de la Résistance (CNR) d’installer le siège d’une nouvelle agence française de presse dans les locaux de l’OFI, place de la Bourse.
Le 20 août 1944, dans un Paris presque libéré, est publiée la première dépêche de l’agence française de presse qui marque la naissance de la nouvelle AFP . C’est un ancien journaliste d’Havas information, Léon Rollin (1882 - 1962), qui occupe, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, pendant quelques jours, le poste de directeur général, qui baptise cette nouvelle agence renaissante Agence France-Presse (AFP).
Le gouvernement provisoire de la République française veut rapidement reconstruire une agence d’information mondiale jugée indispensable pour faire renaître la voix de la France. L’objectif fixé est ambitieux : l’AFP doit reconstituer le rayonnement mondial de l’agence Havas et faire face à la concurrence des grandes agences anglo-saxonnes (la britannique Reuter, les américaines, Associated Press, United Press (UP), International News Service (INS)).
A la fin de la guerre, en province et à l’étranger, l’AFP récupère l’ensemble des bureaux d’Havas information et s’implante dans de nouveaux pays. Comme à l’époque d’Havas, deux métiers d’agencier se distinguent à l’AFP : le journaliste chargé de collecter l’information en France ou à l’étranger et le journaliste « rédacteur » ou « deskman » chargé de la traiter à Paris pour ensuite la diffuser aux abonnés. Sous l’impulsion des agences anglo-saxonnes, de nouvelles règles rédactionnelles s’ajoutent à celles pratiquées à l’agence Havas. En s’appuyant sur la production de la concurrence, Gilles Martinet, rédacteur en chef, demande en 1946 aux agenciers de donner en tête de la dépêche « le fait essentiel » et, pour éclaircir une nouvelle information politique, de la situer dans son cadre historique.
Quelques années plus tard, en 1951, Fernand Moulier, chef des services étrangers et chef de l’information, impose aux agenciers, la règle des 5 « W » (Who ? What ? Where ? When ? Why ?), soit respectivement Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Pourquoi ?, qui caractérise le premier paragraphe(le lead) de la dépêche, utilisé par les agenciers d’AP, qui permet de dire très vite l’essentiel et d’éviter les jugements personnels. Cette nouvelle pratique agencière bannit les considérations d’ordre général, hiérarchise l’information en pyramide inversée, du plus important au moins important, et offre ainsi aux journaux abonnés la possibilité de commenter la nouvelle selon leur ligne éditoriale.
Néanmoins, en pleine guerre froide, l’AFP est accusée d’être une agence d’État par ses concurrentes anglo-saxonnes qui estiment que ce type d’intervention a favorisé la montée du fascisme en Europe. Une telle accusation n’est pas dénuée d’arrière-pensées commerciales : il s’agit aussi pour ces agences de concurrencer l'AFP et de trouver de nouveaux clients parmi la presse. Il ne faut pas non plus oublier les contraintes économiques qui rendent l’appui de l’État français nécessaire pour l’AFP quand le marché américain (presse, radio) est pour sa part suffisamment riche pour supporter le poids de deux agences de dimension mondiale.
Le statut provisoire d’institution publique, du 30 septembre 1944, stipule que l’AFP doit être transformée en agence indépendante quand la presse française aura les moyens de subvenir aux besoins d’une grande agence de presse mondiale d’information. En effet, le caractère provisoire du statut est affirmé dans l’intitulé de l’article 1er de l’ordonnance du 30 septembre 1944 dont le deuxième paragraphe prévoit « qu’une ordonnance ultérieure fixera les conditions dans lesquelles une agence coopérative d’information sera substituée à l’Agence France-Presse. Ce caractère « provisoire » permet à l’AFP de ne pas être considérée comme une agence d’État par certains pays comme l’Inde ou la Suisse, et par certains clients britanniques comme la BBC. Toutefois, l’AFP doit trouver le moyen de se libérer rapidement de la tutelle financière de l’État. Ce désir est partagé dès août 1944 par le gouvernement et la presse française qui souhaitent l’abandon du statut provisoire d’institution publique conféré à l’AFP pour que son information soit reconnue dans le monde entier.
Un statut original libère l’AFP de la tutelle de l’État (1957) :
Depuis la mise en place du statut provisoire de 1944, plusieurs projets de loi, rapports, études, ont été rédigés pour trouver le moyen de libérer l’AFP de la tutelle de l’État. Mais la presse française issue de la Résistance n’a pas les moyens de subvenir aux besoins d’une grande agence de presse mondiale d’information, qui nécessite beaucoup d’argent pour maintenir un réseau de bureaux dans le monde. En 1954, le nouveau directeur de l’AFP, Jean Marin (1909 - 1995), entame des discussions avec des représentants de la presse et de l’État, d’anciens directeurs de l’agence, des experts financiers et juridiques, discussions qui aboutissent à la loi du 10 janvier 1957. L’AFP n’est plus un établissement public. Le nouveau statut de l’agence met fin à la situation provisoire où elle se trouvait depuis 1944. Le fonctionnement de l’AFP est assuré par des règles commerciales, et le nouveau statut définit l’objet de l’entreprise : « rechercher, tant en France qu’à l’étranger, les éléments d’une information complète et objective (…) et mettre contre paiement cette information à la disposition des usagers (…) ». L’AFP ne reçoit plus de subvention directe de l’État qui devient client de l’agence. Ses ressources sont constituées par le produit de la vente de ses services information à ses clients.
La loi du 10 janvier 1957 offre à l’AFP un statut original qui ne la définit ni comme un établissement public, ni comme une entreprise à capitaux privés. L’article 2 de son statut rappelle ses principes fondamentaux : impartialité, exhaustivité, vérification de l’information et rapidité de diffusion. Avec la loi du 10 janvier 1957, l’AFP devient une entreprise sui generis, avec des règles qui lui sont propres, et qui sont censées lui garantir sa liberté. Le conseil d’administration devient l’organe décisionnaire, et l’État, le plus gros client, y est minoritaire, avec cinq administrateurs, face à huit représentants des journaux de Paris et de province. Le personnel de l’AFP y est aussi représenté avec deux représentants, un journaliste et un non-journaliste élus par les salariés. Deux organismes originaux sont créés pour assurer l’indépendance de l’AFP : un conseil supérieur qui veille à la mission d’intérêt général de l’AFP, « qui ne peut en aucune circonstance tenir compte d’influences ou de considération de nature à compromettre l’exactitude ou l’objectivité de l’information, qui ne doit en aucune circonstance passer sous le contrôle de droit ou de fait d’un groupement idéologique, politique ou économique » ; une commission financière chargée de procéder à la vérification générale permanente de la gestion financière de l’AFP.
La couverture de la guerre d’Algérie (1954-1962) représente l’épreuve nécessaire pour confirmer l’indépendance rédactionnelle, de l’agence vis-à-vis de l’État français, notamment après l’accusation justifiée de partialité de l’AFP durant la guerre d’Indochine (1949-1954). Pour convaincre de l’impartialité de son agence, principalement auprès des pays arabes, Jean Marin envoie des correspondants à Tunis, alors le siège du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Mais l’instauration de l’état d’urgence, après le coup d’État du 13 mai 1958 à Alger, met fin à cette tentative d’indépendance. Au siège de l’AFP à Paris, les censeurs interdisent ou retardent certaines publications à l’exemple de l’information sur les contacts entre le général de Gaulle et le président Coty pour ne pas annoncer à la presse, via l’AFP, l’arrivée imminente de de Gaulle au pouvoir à l’appel de René Coty.
Les correspondants de l’AFP traitent seulement les affaires politiques et diplomatiques et ne peuvent ni couvrir, ni participer aux opérations militaires. L’armée française transmet elle-même aux journaux français des photographies soigneusement sélectionnées pour faire la propagande de l’action militaire (vision idéalisée des camps de regroupements de la population rurale algérienne, écoles et visites médicales encadrées par l’armée). La couverture de l’AFP n’aborde presque pas les négociations secrètes entre le GPRA et l’État français), et si elle parle de la torture, c’est sous l’angle des procès qu’elle couvre.
Après la guerre d’Algérie, l’État français a évité de s’immiscer dans la copie de l’AFP. Certains de ses clients à l’international ont même salué la couverture de l’agence ; comme celle des événements de mai 1968 en France. La directrice du bureau de l’AFP à Bogota en Colombie, Anna Kipper, indique que : « depuis le 3 mai, les dépêches AFP représentent 89% de la couverture des événements de France dans les journaux notamment au Tiempo. Nos clients expriment leur admiration (…) ». Le bureau de l’AFP à Tokyo note que « Les clients japonais apprécie le service pour sa rapidité, sa clarté, son objectivité ». Cependant, cela n’empêche pas l’AFP d’être l’objet de pression de la part du pouvoir, comme en 1975, lorsque le PDG Jean Marin, qui sera resté 21 ans à la tête de l’AFP, est poussé vers la sortie par le gouvernement qui ne lui accorde plus sa confiance. Par la suite, d’autres PDG n’ayant plus la confiance de l’État, sont écartés de la direction de l’Agence, comme Claude Roussel en 1978 ou Henri Pigeat en 1986.
Plus récemment, l’AFP fait face à de nouveaux enjeux liés aux nouvelles pratiques informationnelles et à la mutation numérique. L’image (photos et vidéos) est devenue un axe stratégique important de l’Agence. Et avec la baisse des abonnements des médias traditionnels notamment le marché de la presse quotidienne, l’AFP a développé, une activité d’investigation numérique (Fact-checking) dans le but de diversifier sa production et de toucher de nouveaux clients, notamment les géants du numérique.