La bataille de l'intégration scolaire à Little Rock

 

Image
Elèves noirs escortés par l'armée (Little Rock, 1957) - AFP
Elèves noirs escortés par l'armée (Little Rock, 1957) - AFP

Le 3 septembre 1957, neuf élèves noirs tentent d'intégrer le lycée central de Little Rock, capitale de l'Arkansas, jusque-là réservé aux Blancs. Une foule agressive épaulée par les forces de l'ordre les en empêche.

Après trois semaines de violences, le président Eisenhower se résout à utiliser la force.

« Conformément à mon devoir, j'ai ordonné aujourd'hui par décret l'envoi de troupes fédérales pour que la loi fédérale soit appliquée à Little Rock, Arkansas », déclare-t-il depuis le Bureau ovale de la Maison Blanche.

- Escorte militaire -

Le 25 septembre, à l'aube, un millier de parachutistes en tenue de combat sont déployés autour de l'établissement. Sept élèves noirs, sous escorte de 50 soldats fusils au poing, entrent par la porte principale. Epilogue d'un bras de fer de trois semaines entre le président américain et le gouverneur de cet Etat du Sud profond des Etats-Unis.

Little Rock, dont le nom a fait le tour du monde, est devenue l'emblème de la lutte pour la déségrégation dans les écoles dans un monde où des Blancs, comme atteints de « fureur raciale », se refusent à obéir à Washington, résume l'Agence France-Presse en 1957.

Trois ans plus tôt, le 17 mai 1954, la Cour suprême américaine a pourtant aboli la ségrégation dans les écoles publiques. En vertu de cette décision, la NAACP, l'association nationale pour la promotion des gens de couleur, saisit la justice à Little Rock. Le 8 août 1957, l'association obtient gain de cause : un juge fédéral ordonne l'intégration de la « Central high-school » pour l'imminente rentrée des classes.

Image
Soldats devant le lycée de Little Rock (Arkansas, 1957) - AFP
Soldats devant le lycée de Little Rock (Arkansas, 1957) - AFP

Mais le gouverneur de l'Arkansas, Orval Faubus, ne l'entend pas de cette façon. Le 2 septembre, il décide de s'élever contre l'autorité fédérale et fait appel à la garde nationale. Le lendemain matin, 270 militaires, baïonnette au canon, interdisent aux neuf écoliers endimanchés de pénétrer dans le lycée. Sous les quolibets et les crachats d'élèves blancs, ils doivent rebrousser chemin.

Le gouverneur évoque la menace de bandes armées de Blancs et de Noirs prêts à envahir Little Rock. « Le sang va couler dans les rues » si des Noirs rentrent dans l'école, avertit-il. A la télévision, il affirme vouloir garantir l'ordre public.

Malgré de multiples injonctions judiciaires, le gouverneur maintient la garde nationale. Craignant pour la sécurité des neufs écoliers, la NAACP les enjoint de rester chez eux.

Le 14 septembre, le président Eisenhower, qui craint que la situation fasse tache d'huile dans le pays, rencontre le gouverneur démocrate. Ce dernier reconnaît que la décision de la Cour suprême de 1954 « constitue la loi du pays et doit être respectée ». Mais personne, pas même la Cour suprême, ne peut espérer que cela se fasse en une nuit et il est essentiel que les autorités fédérales assimilent « avec patience » les complexités du problème, explique-t-il. Il finit par capituler et retire la garde nationale le 20 septembre.

Image
Soldats escortant des élèves noirs (Little Rock, Arkansas, 1957) - AFP
Soldats escortant des élèves noirs (Little Rock, Arkansas, 1957) - AFP

- « La loi de la foule » -

Bagarres, courses poursuites, agressions physiques et verbales : « dès le lendemain, se produit l'explosion de violence que M. Faubus disait vouloir éviter mais que son attitude contribua sans doute à provoquer », rapporte l'AFP. Le 23 septembre, tandis que les écoliers noirs entrent par une porte dérobée, la police de Little Rock doit faire face à un millier de Blancs déchaînés. Il y a de nombreux blessés. Trois journalistes noirs sont violentés et chassés.

Pour le président Eisenhower, ces manifestations sont « scandaleuses » : « On ne peut accepter que la loi de la foule s'impose à celle des tribunaux ». « A une époque où nous faisons face à une grave situation à l'étranger, en raison de la haine que le communisme porte à un système de gouvernement fondé sur le respect des droits humains, il serait difficile d'exagérer le tort qui est causé au prestige, à l'influence voire à la sécurité de notre pays et du monde », déclare-t-il avant d'envoyer l'armée.

Les parachutistes seront maintenus jusqu'au 1er octobre et remplacés par des troupes fédérales. Pendant toute l'année, les lycéens noirs subissent crachats, insultes, coups et se voient affecter chacun un militaire comme garde du corps. L'une d'entre elles, Melba Pattillo, a raconté avoir eu de l'acide jeté dans ses yeux.

L'été suivant, le gouverneur Faubus choisit de fermer les écoles plutôt que d'accepter qu'elles soient multiraciales. Les tribunaux fédéraux ordonnent leur réouverture, confirmée le 12 septembre 1958 par la Cour suprême.