Picasso : « l'héritage du siècle »

 

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Paloma Picasso lors de la foire Optica 94, à Cologne en avril 1994 - AFP
Paloma Picasso lors de la foire Optica 94, à Cologne en avril 1994 - AFP

Par Claude CASTERAN

Au lendemain de la mort de Pablo Ruiz Picasso, le problème de sa succession se pose avec acuité : il n'a pas laissé de testament mais une fortune colossale et plusieurs héritiers. Comme l'écrit le New York Times en 1980 : cette « famille ressemble à une des constructions cubistes de Picasso - femmes, maîtresses, enfants légitimes et illégitimes ».

La presse a parlé à cette occasion d'« héritage du siècle » car, jamais jusqu'alors, un artiste, par le seul fruit de son travail, n'a rassemblé une telle fortune.

Outre ses nombreux biens immobiliers (Mougins, Cannes, l'appartement de la rue de la Boétie à Paris...), Picasso possédait deux collections de tableaux magnifiques, sa propre collection, les fameux « Picasso de Picasso » - un ensemble unique dont il ne s'est jamais séparé - et des toiles exceptionnelles de Renoir, Cézanne, du Douanier Rousseau, de contemporains comme Modigliani, Braque, Matisse, Ernst, ainsi que des tableaux anciens (Chardin, Le Nain, Corot, Courbet...). Au total, il a laissé derrière lui quelque 1.800 peintures, 7.000 dessins, 2.800 céramiques, 1.300 sculptures, près de 10.000 gravures et lithographies...

Le montant de la succession est colossal. On l'évalue en 1977, après quatre années de recensement, à 1,4 milliard de francs, l'équivalent de 700 millions d'euros. Sa cote ne cessant de grimper, Olivier Widmaier Picasso, petit-fils du peintre, cité par Le Monde, avance le chiffre de « 10 milliards d'euros dans les années 2000 ». 30% ont été retranchés du « gâteau » en œuvres d'art, pour régler les droits de succession.

Les droits de Jacqueline - épousée en 1961 - et de son fils aîné Paul - né en 1921 du mariage avec Olga Khokhlova - étaient incontestables, comme ceux aussi de son neveu, le peintre Javier Vilato, qu'il a toujours traité comme un fils. La question fut plus délicate avec les enfants nés hors mariage : Maya, fille de Marie-Thérèse Walter, née en 1935, Claude et Paloma, fils et fille de Françoise Gilot, nés respectivement en 1947 et 1949.

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(G à D) Maya Picasso, l'arrière petite-fille de Renoir, Sophie, et Sandrine, descendante de Pissarro en 2005 à Paris - AFP
(G à D) Maya Picasso, l'arrière petite-fille de Renoir, Sophie, et Sandrine, descendante de Pissarro en 2005 à Paris - AFP

Picasso avait demandé au Conseil d'Etat d'autoriser les enfants de Françoise à porter son nom. Mais il fut très irrité par la publication du livre de cette dernière (« Vivre avec Picasso », 1964), qui modifia les relations de Claude et de Paloma avec leur père : il cessa de les voir.

A leur majorité, Claude et Paloma ont engagé contre leur père une instance en reconnaissance de paternité. Sans succès. Maya ne connaîtra pas plus de réussite. Mais, en 1974, le tribunal de Grasse (Alpes-Maritimes) donne une existence légale aux enfants adultérins. Du coup, tous les trois pouvaient - au même titre que Paul et ses deux enfants, Bernard et Marina - prétendre à une part de l'héritage, même moindre que celle de l'enfant légitime. Mais Paul meurt d'un cancer du foie en 1975.

Chacun des héritiers va faire appel à un avocat, parmi les plus brillants, pour défendre ses intérêts : Roland Dumas pour Jacqueline, Paul Lombard pour Maya (épouse Widmaier), Jean-Denis Bredin pour Claude et Paloma... Le contexte familial est alors particulièrement tendu : Marina déverse sa haine contre son « grand-père » dans un livre qui porte ce titre.

Aujourd'hui, cinq héritiers - Maya, Claude, Paloma, Bernard et Marina - constituent ce qu'on nomme la « succession Picasso ». Claude, pourtant interdit d'obsèques de son père par Jacqueline, veille sur le nom, l'image, l’œuvre du maître et sa signature, en tant que dirigeant de la société Picasso Administration (PA), créée en 1995. Le grand casse-tête de PA vient notamment des milliers d'entreprises qui utilisent Picasso sans lui demander son avis.

 

La succession Picasso - INA